4. Brisé

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Merlin n'en pouvait plus. Il s'était promis de toujours rester fort, une ancre dans la tempête qui balayait les habitants de Camelot, mais le mage atteignait ses limites. Toutes ces années, il s'était relevé après chaque coup supplémentaire que lui assénait le destin. Les erreurs qu'il avait faites, les morts sur sa conscience, les départs de ceux qu'il aimait s'étaient empilés dans son esprit ; le serviteur les avait cependant refoulés tout au fond de celui-ci, refusant de les affronter pour continuer à avancer et cachant tous ses doutes et inquiétudes derrière le large sourire que les habitants de la cité connaissait. Aucun cependant ne se doutait de la profondeur des émotions négatives qu'il éprouvait à ce moment, relâchées par la mort de Lancelot et son échec à sauver Uther. Jamais Arthur ne pardonnerait à la magie d'avoir pris ses deux parents. 

Pourquoi m'a-t-on choisi moi pour une tâche aussi ardue ? Je ne suis pas digne d'un tel pouvoir, d'un tel respect venant des druides. J'ai échoué. La magie aurait dû aller vers quelqu'un d'autre, quelqu'un qui aurait su faire les bons choix.

Une perle d'eau unique scintilla le long de sa joue, illuminée par le clair de lune provenant de la fenêtre de sa chambre. Merlin était allongé sur son lit tout habillé, ne prenant même pas la peine de le défaire pour se glisser sous les draps. Il ne dormait plus depuis des semaines. Ne voulait pas dormir. Chacune de ses courtes absences, une heure, peut-être deux étaient accompagnées de leur lot de cauchemars et du rappel de combien il était pathétique, inutile. Le mage se demandait même pourquoi Arthur s'embêtait à le garder comme serviteur ; il n'avait jamais fait son travail correctement et ça allait en s'empirant.

Soupirant, le mage observa le soleil se lever doucement à travers l'ouverture dans la muraille et décida de se lever lorsqu'il entendit Gaius à côté. 

- "Merlin ! Comment vas-tu mon garçon ? Bien dormi ?" Il se força à sourire, ne voulant pas inquiéter son mentor.

- "Je n'aurais pas rechigné sur quelques heures de plus", fit-il remarquer en baillant. Gaius arqua un de ses sourcils.

- "Veux-tu vraiment devenir comme Arthur ?" Merlin grimaça, le commentaire l'amusant presque pour de vrai.

- "Un imbécile comme lui ? C'est inimitable, Gaius !"

- "Mange vite quelque chose, avant d'être en retard."

- "Nah, pas la peine, je n'ai vraiment pas faim. Je trouverai quelque chose à grignoter au pire." La simple vue de nourriture le dégoûtait au plus haut point. Cela faisait des semaines qu'il ne prenait qu'un repas par jour, frugal, pour pouvoir au moins fonctionner.

Arrivant à la porte des appartements royaux, il plaqua sur son visage son plus beau faux sourire et déboula dans la pièce, déposant le petit-déjeuner sur la table du roi et allant ouvrir les rideaux, hurlant : "L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt !"

Le roi grogna, tâtant des mains ses environs pour finalement attraper un gobelet de métal et le lancer sur le serviteur effronté. S'attendant au bruit sourd de l'objet rencontrant le sol et à une remarque moqueuse de son ami sur ses qualités de lanceurs, Arthur fut pour le moins surprit lorsqu'il entendit un tud suivi d'un hissement de douleur. Cela l'encouragea à se redresser sans trop protester pour une fois, plissant les yeux pour voir Merlin se frotter le bras gauche avant de commencer à ranger la chambre. Les yeux bleus le suivirent un moment, un éclat inquiet brillant au fond des prunelles du lève-tard. 

Merlin n'est plus lui-même, depuis un moment. Je devrais peut-être faire quelque chose pour arranger ça... Il ne faut pas qu'il l'apprenne, bien entendu. J'en entendrais parler pendant des lustres, sinon ; il vaut mieux que je suggère une sortie à la taverne à Gauvain, bien que Merlin semble y passer beaucoup de temps.

Merlin OneshotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant