Episode 1.1

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Le méchant prince, adouci par tant de bonté et d'amour, renonça à son armée maléfique. Il s'agenouilla devant sa princesse, s'empara de sa main avec délicatesse et...

— Mais qu'est-ce que vous regardez comme connerie encore ! Grand-mère ! On avait dit que les mioches devaient pas s'abrutir de foutaises ! Depuis quand un méchant devient gentil ? Franchement... un méchant, ça reste méchant, c'pas possible, ça. Ça finit pas dégoulinant parce qu'une espèce de truc rose à froufrous tombe amoureuse de lui !

J'aimerais continuer de râler et pester contre cette honteuse émission, mais des piaillements stridents et désagréables m'en empêchent : les pustulons que j'ai eu le malheur d'engendrer il y a quelques années me reprochent de parler en même temps que la télé : ça les empêche d'entendre les répliques ô combien intelligentes des deux guimauves rassies. 

Des yeux, je cherche la télécommande ; si je ne fais pas taire cette princesse maintenant, je vais balancer le téléviseur par la fenêtre, et il n'est ni bon marché... ni à moi.

— Je te préviens, Val, si tu abîmes quoique ce soit dans mon salon, je me vengerai, s'amuse justement la propriétaire de l'engin diabolique. 

Je lancerais bien un regard torve à la vieille, mais elle est bien plus forte et puissante que moi, alors je me contente de continuer la fouille visuelle de la pièce, en vain. J'ai une petite idée des responsables de cette malencontreuse disparition : ils sont deux et à les voir blottis l'un contre l'autre sur le canapé, à me jeter des regards effrontés toutes les dix secondes, on leur donnerait le diable sans confession. 

Coupables et fiers de l'être même s'ils ne l'admettront jamais, fidèles à la maxime de notre famille : dans l'ombre il faut agir et ne jamais se trahir.

Et soudain, je la vois. À peine visible, cachée entre un vieux DVD dont Olivia ne veut pas se débarrasser alors qu'elle ne le regarde jamais et entre le « Être un Vilain pour les nuls » qu'elle m'a offerts à mon dernier anniversaire.

En catimini, j'avance d'un pas. Puis d'un autre. Au troisième, le regard de Bénédikt se braque sur moi. 

Eh merde.

Son petit nez se plisse, les muscles de son cou se tendent. Nous nous scrutons un court moment, puis nous élançons en même temps. Ce gamin me connaît trop bien !

Le pustulon n'a qu'un obstacle à franchir pour atteindre la télécommande, la table du salon, tandis que moi, j'ai presque tout le salon à traverser. Je dois contourner la table à manger, enjamber un banc qui ne sert à rien, mais qu'Olivia laisse là parce que je me cogne le genou dedans régulièrement, éviter de déraper sur le tapis et passer devant Olivia, justement, qui me dévisage d'un air goguenard.

Mais s'il a l'avantage du terrain, j'ai celui des capacités. Du haut de ses quatre ans, c'est tout juste si mon fils réussit à transgèner en moustique – pas vraiment utile pour la course – alors que moi, en digne héritier des Sonroff, j'atteins l'incroyable niveau de la... loutre.

Incroyable dans le sens désespérant du terme. Dans le sens « Valdrig, c'est pas croyable, t'es toujours aussi nul ? »

Factuellement, je suis la honte de la famille. Ma mère transgène sans difficulté en aigle ou encore en lion ! Mon père, issu d'un autre sang, produit des orbes de feu noir. Ensemble, ils assassinent, ils pillent, ils torturent ! Moi, j'en suis encore à voler des piles dans les supermarchés. Dont les piles de cette foutue télécommande, d'ailleurs. 

Moi, Valdrig, le Super Vilain Super Pas Doué. 

D'aucuns prétendent que la plus menue des triplés, Alisa, se montre si tendre et gentille à cause de moi et de mes piètres performances criminelles.

V comme  ̶V̶i̶l̶a̶i̶n̶  ValdrigOù les histoires vivent. Découvrez maintenant