Episode 1.2

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— T'es pas trop jeune pour perdre la mémoire ?

Coupé dans mon élan, je lui jette un regard suffisant.

— Toi, t'es assez vieille pour être sénile en tout cas, qu'est-ce que tu racontes encore ? 

—  Sonroff est plutôt célèbre, continue-t-elle, imperturbable. Depuis près de deux cents ans, les Sonroff sont une famille de Super Vilains hors pair ! Tous des pointures minus une certaine personne ! De ton arrière-grand-mère qui a fait le braquage du siècle et n'a jamais été surpassée à ton Grand-Oncle qui a participé à l'assassinat de plusieurs présidents, en passant par ta mère qui s'est illustrée il y a quelques mois à peine en faisant exploser le « Art Super Heroes Museum » le jour de son inauguration !

— Je parlais de moi, me crois-je obligé de préciser. Valdrig Wenceslas Sonroff ! Je serai une star mondialement connue ! Un génie du mal ! Et tu ne pourras plus jamais dire que je suis le « minus one » !

— Pour le moment, tu es surtout un père pas foutu de coucher ses gosses, s'esclaffe-t-elle. Je parie sur Carina, ce matin, elle est en forme !

Je tuerais pour pouvoir la contredire. Littéralement ; les cris des enragés miniaturisés nous parviennent comme s'ils étaient toujours au salon. D'après la voix nasillarde de Bénédikt, la luciole doit être sur sa table de chevet et pas sur celle de Carina. Selon cette dernière, c'est plutôt le tour d'Alisa, donc par élimination, le sien puisqu'Alisa ne se plaint jamais. Le pire ? Le soleil se déverse dans leur chambre puisqu'ils refusent toujours de fermer les rideaux et les volets.

— Laisse-moi deviner, c'est de ta faute, c'est ça ? soupiré-je en lorgnant ma grand-mère qui me semble bien trop satisfaite. 

— Évidemment, tu ne croyais quand même pas qu'ils avaient accepté de se coucher tranquillement ?

Bon, c'est toujours mieux que la fois où elle a gavé les triplés de sucre pour les faire obéir : Carina et Alisa ont fini par vomir partout... et qui a dû ramasser ? 

Bref.

D'autres braiments font pouffer Olivia.

— Tes pustulons crient pour le plaisir de crier ou pour celui de te casser les oreilles, tu crois ?

— C'est pour vérifier l'audition de leur bonne bonne bonne bonne bonne maman, ricané-je avant de m'échapper dans le couloir. 

Ces joutes verbales avec ma grand-mère ponctuent nos journées et nos nuits. Elle ne s'arrête jamais, et je ne suis pas en reste, mais comme la vieille est beaucoup plus douée que moi à ce petit jeu, je suis passé maître dans l'art compliqué de la fuite. Ce n'est pas si évident de savoir jusqu'où on peut pousser avant de détaler ! Et c'est encore plus difficile de savoir quand lever les voiles au bon moment pour passer à côté de l'ouragan.

Les manches retroussées jusqu'au coude, je fais irruption dans la chambre, bien décidé à imposer mon autorité (ou du moins à faire semblant) à ces petits diables. 

Un cuisant échec. 

Quand leur mère, Olga, était encore là, ils filaient droit. Elle savait les mener à la baguette. Bon... elle me menait aussi à la baguette. Valdrig la carpette, mon adorable surnom. Je mentirais en disant que son emprisonnement ne m'a pas soulagé, je ne suis juste pas sûr d'apprécier certaines conséquences. Comme gérer seuls deux abominables Vilains et une gamine aussi mièvre et cucul qu'une princesse. 

Une peluche me heurte en pleine figure (hier, c'était un livre, j'en ai encore la pommette marquée !) à peine ai-je fait un pas dans la pièce. Je la rattrape et la retourne de toutes mes forces à l'envoyeur. Bénédikt glapit de surprise tandis qu'il tombe en arrière sur un tapis moelleux. 

V comme  ̶V̶i̶l̶a̶i̶n̶  ValdrigOù les histoires vivent. Découvrez maintenant