Episode 1.4

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— Ça risque pas, gamine, ils seraient foutus de me mettre dans la même cellule qu'elle et jamais je prendrai ce risque ! 

Il n'y a jamais eu le moindre sentiment entre Olga et moi. Jamais le moindre respect non plus. Même pas de la considération. J'étais sa chose, son objet, son amusement passager qui l'a malencontreusement mise enceinte.

Sa faute, pas la mienne. J'étais même pas conscient, moi.

— Pour une fois, je suis d'accord avec ton mollasson de père, s'amuse la vieille. Vaudrait mieux qu'il meure.

L'adorable frimousse d'Alisa se froisse d'effroi. J'ignore comment Olivia fait pour rester impassible ; moi, je n'y parviens pas. Le cœur serré, me sentant un peu coupable, j'attrape ma fille par la taille et l'installe sur mes genoux le temps de la cajoler et de la rassurer. Ses larmes mouillent mes joues. Sa morve et sa bave se mélangent en liquide visqueux qui glisse dans mon cou. Écœurant.

— Mollasson jusqu'aux poils des roupettes, se moque ma grand-mère.

— Tais-toi où je la mouche dans ton chemisier en soie. 

— Si tant est qu'il te reste encore les fameuses roupettes. Olga a dû les emporter avec elle en prison. Quoique tu n'en avais pas vraiment avant non plus !

Je hausse les épaules : ce genre d'attaque m'atteindrait peut-être si j'avais l'ego d'une personne normale. Moi, j'ai celui d'une huître. Ou peut-être d'une moule ?

Mon ego est parti en voyage à durée indéterminée avec mon estime de soi et mon amour-propre. Je crois bien que ma dignité les a rejoints, d'ailleurs.

À force de mots doux et de caresses sur la tête, Alisa s'apaise. Elle m'arrache la promesse que je ne bougerai pas de l'appartement la nuit prochaine. Ni celle d'après. Ni jamais. Évidemment que je n'en pense pas un mot, mais l'émotion me submerge presque de voir la reconnaissance humidifier ses beaux yeux bleus. Elle m'embrasse sur une joue et frotte son doudou sur l'autre avant de trotter jusqu'à sa chambre.

Ses petits pas résonnent dans le couloir. Puis ils chuintent sur la moquette. Enfin, le silence tombe. La pustulonne s'est recouchée sans faire d'histoire. 

Comme toujours.

Et comme toujours, un mélange de fierté et de honte m'envahit. Fierté d'être un bon père avec au moins un de mes enfants. Honte d'être un bon père avec cette même enfant. Les Super Vilains ne sont pas des bons parents. Ils ne veillent pas aux bien-être de leurs rejetons. Ils les élèvent à la dure pour les former dès le plus jeune âge afin d'obtenir des conditions optimales de méchanceté. Ils ne leur donnent pas d'amour, mais des sanctions. Ils ne les félicitent que lorsqu'ils sont mauvais. Ils n'accordent d'intérêt qu'à leurs méfaits. 

Et les grands-parents se comportement bien souvent de la même manière. Olivia, malgré ses moqueries et ses piques, a toujours été très tendre en vers moi ou les triplés. Elle s'est montrée dure quand mes parents étaient là, oui, mais elle n'a jamais levé la main sur moi. Jamais été injuste et elle a été la seule à me soutenir quand Olga m'a jeté ses trois nourrissons braillards dans les bras. 

— Je ne sais pas à quoi tu penses, mais tu as l'air stupide. Tu veux un café ?

Ma méfiance se noie dans le besoin de caféine. Je manque de sommeil, de patience et de détermination... au moins ai-je la motivation ! Je me replonge dans le travail : mon plan est fin prêt, mais je veux tout vérifier une dernière fois pour être sûr que ça fonctionne sans anicroche, pour que demain, je sois célèbre, loué par tous les Vilains de par le globe. Pour que demain, l'Ordre pleure la perte de ses deux figures publiques : Manuel et Lola. 

V comme  ̶V̶i̶l̶a̶i̶n̶  ValdrigOù les histoires vivent. Découvrez maintenant