Chapitre 10 : Demain tout ira bien...

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Après le jour de la cérémonie, faite en petit comité avec les hommes les plus importants du clan, Nobuyuki devait faire ses preuves en un discours afin d'allier de nouvelles personnes au clan. Seul Kazuma était au courant, dans les grandes lignes, de ce qu'allait dire son amant. La famille Suzuki se rendit donc dans une grande salle de réunion aménagée à cet effet. Ils s'installèrent et Nobuyuki partit aux toilettes pour se rafraîchir et se concentrer. Kazuma le rejoignit un peu après et lui donna un baiser rempli d'amour. Le clan Tomohisa arriva suivi d'autres personnes inconnues neutres ou appartenant à des clans adverses. Il y avait les journalistes d'une radio et d'un journal local. Tomohisa s'inclina lorsque Nobuyuki apparu. D'autres personnes l'imitèrent mais la plupart attendaient les bras croisés qu'il leur avoue son " horrible crime ". Il s'installa derrière son pupitre, régla le micro, et après avoir salué et invité les personnes à s'asseoir, il inspira profondément en fermant les yeux puis les rouvrit et se mit à fixer un point imaginaire au fond de la salle.

- Je ne veux pas être un tyran comme ont pu l'être mes ancêtres et d'autres chefs Yakuza avant moi. Je ne veux ni conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, peu importe l'ethnie, les croyances et l'orientation sexuelle car c'est ce qu'est sensé être un chef. Ce discours peut vous paraître utopiste ou complètement fou ou même les deux mais je pense que dans ce monde, chacun de nous a sa place, notre terre est bien assez riche pour faire travailler et nourrir tout le monde. Nous pourrions tous avoir une belle vie libre mais nous avons perdu le chemin. Personne ne mérite d'être à la rue et de mourir de faim à cause de mauvais jugements. L'avidité a empoisonné l'esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour finir enfermés et être éloignés de la réalité, de la vie. Les machines qui nous apportent l'abondance nous laissent néanmoins insatisfaits. Notre savoir nous a rendu cyniques, notre intelligence inhumains. Nous pensons beaucoup trop et ne ressentons pas assez. 

Étant trop mécanisés, nous manquons d'humanité. Étant trop cultivés, nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités, la vie n'est plus que violence et tout est perdu. Je refuse que cela arrive au sein de la famille. J'aimerais compter sur la bonté de l'être humain, dans la fraternité, l'amitié et l'unité de tous les hommes car nous ne faisons qu'un. À tous ceux qui m'entendent et m'écoutent, sachez qu'il y a toujours des solutions pour aller vers une vie meilleure surtout quand on vous aide. Le malheur qui est sur nous n'est que le produit éphémère de l'avidité, de l'amertume de ceux qui ont peur des progrès qu'accomplit l'Humanité. Néanmoins, la haine finira par disparaître et les chefs tyranniques mourront. Dans l'espoir que leurs successeurs soient des bons penseurs, le pouvoir qui avait été pris aux peuples va retourner aux peuples. Et tant que les hommes mourront, la liberté ne pourra périr. Vous tous, ne vous donnez pas à ces brutes, ceux qui vous méprisent et font de vous des esclaves modernes, enrégimentent votre vie et vous disent ce qu'il faut faire, penser et ressentir, qui vous dirigent, vous manœuvrent, se servent de vous comme chair à canons et vous traitent comme du bétail. Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains. Vous n'êtes pas des objets qu'on utilise ! Vous êtes des hommes, des femmes et des enfants, des humains avec tout l'amour du monde dans le cœur. Vous n'avez pas de haine, seuls ceux qui manquent d'amour et les inhumains haïssent.  À vous tous ! Ne vous battez pas pour l'esclavage, mais pour la liberté ! Nous en avons le pouvoir. Le pouvoir de rendre la vie belle et libre, le pouvoir de faire de cette vie une merveilleuse aventure. Il faut nous unir, il faut nous battre pour un monde nouveau, décent et humain qui donnera à chacun l'occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse la sécurité. Il faut nous battre pour libérer le monde, pour abolir les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l'avidité, la haine et l'intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront vers le bonheur de tous. J'espère un jour pouvoir voir les nuages se dissiper, le soleil percer. Que nous puissions émerger des ténèbres pour trouver la lumière. Nous pourrons créer et pénétrer dans un monde nouveau, un monde meilleur, où les hommes domineront leur cupidité, leur haine et leur brutalité. L'âme de l'homme a reçu des ailes et enfin elle commencera à voler. Elle volera vers l'arc-en-ciel, vers la lumière de l'espoir. Je suis Suzuki Nobuyuki, fils et successeur de la famille Suzuki. Je suis un homme, un terrien, d'ethnie japonaise, homosexuel et libre. Libre de penser en ce jour, libre d'aimer et libre de m'exprimer devant vous qui êtes, ou non, des personnes qui peuvent avoir confiance en moi. Vous êtes libres de faire comme bon vous semble. Sachez seulement que la famille Suzuki fera en sorte d'aller vers un monde meilleur et que vous êtes les bienvenus, sans violence et sans haine, avec ce que vous êtes. C'est tout. *

Nobuyuki avala une légère goulée d'air. Il avait des larmes d'espoir au coin des yeux. Oui, il avait parlé avec son cœur. Un profond silence se fit, pas pesant pour autant. Il s'éloigna de son pupitre, s'inclina pour remercier et rejoignit les membres de sa famille qui étaient assis le long de la petite estrade. Certains hommes au fond de la salle partirent sans dire un mot. Les deux journalistes s'avancèrent et posèrent encore deux ou trois questions puis quittèrent la pièce après que l'un ait confié à Nobuyuki qu'il avait l'étoffe d'un président démocrate, le faisant rire. Tomohisa arriva à son tour et tout son clan s'inclina avec respect afin de confirmer à leur nouveau chef qu'ils étaient avec lui. Un groupe d'homme vint en suite. Le leader, que Nobuyuki crut reconnaître comme le fils d'un Yakuza du plus gros clan adverse, lui cracha au visage. Il le traita de tapette et de niai puis partit en balançant que personne ne rallierait ce gang après un pareil discours. Lorsque la porte se ferma derrière eux, le jeune Suzuki entendit une bagarre. Son père et lui se précipitèrent à l'entrée et virent Tomohisa tabasser le gars. Nobuyuki l'arrêta et s'excusa pour la fougue de son jeune ami. Il l'avertit en suite qu'il fallait arrêter ces méthodes, ou du moins pas en sa présence, il admit qu'il n'était et ne serait pas toujours responsable de l'agissement de ses hommes.

Une dame et un homme devant avoir l'âge de ses parents, s'avancèrent timidement en lui demandant quelques minutes. Les travaux de l'orphelinat étant terminés, Kazuma avait publié plusieurs annonces dans le journal et sur internet. Ce couple était là pour prendre en charge l'orphelinat et accueillir les pauvres enfants retrouvés dans la cave de Yamamoto. Nobuyuki leur promit une visite prochainement.

Beaucoup d'autres personnes défilèrent ainsi jusqu'à la fin de la journée. Ils rentrèrent tous épuisés. Pendant la petite collation et le repas pour fêter leur victoire, Eikichi leur annonça le projet de, finalement, faire le tour du monde avec sa femme. Il confia la maison aux deux garçons et estima qu'elle serait la-leur dorénavant.

Nobuyuki et Kazuma vivaient pleinement leur amour. Ils s'étaient mariés et avaient entreprit d'adopter deux enfants. Les papiers mettaient beaucoup de temps, leur permettant d'aménager la maison autrement.

Les guerres des gangs continuaient toujours d'éclater de part-et-d'autre du pays mais petit à petit, chaque mois, de nouvelles personnes et de nouveaux clans ralliaient la famille Suzuki, souhaitant un monde meilleur.


巻末

[Fin du livre]


* NA : Le discours est pris du film " Le Dictateur " de Charlie Charplin et modifié en fonction du contexte.

Une histoire de YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant