Angels of darkness [LEVIHAN]

III

Mahr. Un état militarisé, enfermé entre les parois d'une immense caverne souterraine. Cette nation était autrefois un empire immense, étendu jusqu'aux terres humaines. Mais les anges blancs avaient repoussé leurs némésis loin, bien plus loin que les frontières originelles, et cela il y a déjà des siècles. Mais la haine ne s'était pas atténuée depuis tout ce temps, bien au contraire. Plus le temps passait, et plus les mahrs haïssaient leurs alter ego de les avoir contraint à se terrer dans cette grotte putride, où la lumière du jour était rare, sinon inconnue. Le gouvernement ne manquait pas d'entretenir ce brasier de fureur à coup de propagande et de restrictions.

Et en plein milieu cet enfer haineux, il y avait Bertholt. Bertholt était un grand garçon brun, à l'air placide et à la personnalité hésitante. Cependant, il n'hésiterait pas aujourd'hui. Il savait ce qu'il devait faire, et il le ferait. Mais pas au nom de Mahr. Au nom de ce qu'il considérait juste, au nom de sa morale. Il était un garçon normal, avec des rêves, une famille, des amis. Il rêvait de s'engager dans l'armée, de voir le Soleil, de vivre tranquille avec ses amis. Mais aujourd'hui ses rêves ne comptaient plus.

Il enfila la touche finale de sa tenue, une cape sombre qui le dissimulait de la tête aux pieds, puis attrapa son sac et sortit de son appartement, dévala les escaliers et se retrouva dehors. Il avait encore du temps avant le couvre-feu, heure où il mettrait son plan à exécution, quitte à se faire lui-même exécuter. Il rabattit sa capuche sur son visage et s'engagea dans les rues du quartier marchand de Revelio, ombre parmi les ombres. Il savait où il devait se rendre.

Il frappa à la parure d'une porte en bois encastrée dans un mur de pierre noire. Il y eut un bruit de pas, puis la porte s'ouvrit de quelques centimètres.

« – C'est pour quoi ? fit la voix d'une fille

– C'est Bertholt, chuchota le brun. Ouvre, je t'expliquerait quand je serai à l'intérieur.

Le battant s'effaça pour laisser place à une gamine aux cheveux noirs d'environ douze ans qui le fit entrer sans un mot. Elle replaça la barre de métal en travers du panneau, puis se retourna vers son aîné.

– Appelle tes parents, Gabi. Non, en fait tu ferais mieux de prévenir toute ta famille, rectifia-t-il.

– Pourquoi ?

Bertholt prit une grande inspiration. Il chassa ses doutes, ses peurs et pensa à son ami. Seul, perdu, sans moyen de subsistance, sans rien à quoi se rattacher.

– Je vais chercher Reiner.

Le feu crépitait dans la cheminée et les ombres dansaient sur les murs, pareilles à des fantômes errant. Le grand brun était assis très droit sur sa chaise, face à toute la famille Braun.

– Il n'en est pas question, fit la mère de Gabi d'un ton tranchant.

– Je t'accompagne, fit la petite en même temps.

– Bertholt, appela doucement la mère de Reiner. Je te connais depuis si longtemps. Tu es presque comme un deuxième fils. Alors je ne te poserai qu'une question. Est-ce vraiment ce que tu souhaites ? »

"Est-ce vraiment ce que tu souhaites ?"

C'était cette question, mot pour mot, qu'il avait posée à Reiner avant qu'il ne s'embarque dans une affaire qui avait mal tournée. Il n'avait pas répondu, et s'était contenté de sourire doucement, avant de sortir de l'appartement. Et des jours plus tard, la cérémonie de son bannissement était annoncée dans toute la cité. Bertholt avait été pris d'une terreur sans nom lorsqu'il avait vu les affiches sur les murs, et la marque de la traîtrise sur la porte du logis des Braun. Il avait couru, couru à en perdre le souffle, jusqu'à arriver devant un bâtiment colossal de pierre noire, taillé à même la paroi de la caverne.