Rêveries

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J'ai rêvé que je tuais.

Pas l'homme. Une femme. Elle m'implorait et moi je lui tranchai la gorge.

Comme ça.

Pour le plaisir.

Je m'étais ensuite réveillé dans mon lit, avec cette impression étrange d'avoir fait un rêve à la fois oppressant...

...et excitant.

Je sens encore son sang rouge sur mes mains.

Comme pour l'homme.

Peut-être que je suis un de ces hommes que l'on voit dans les séries.

Un psychopathe.

Un sadique.

Un sociopathe peut-être.

La vérité est que j'ignore ce que je suis. Je pourrai aussi bien être les trois.

Mais je ne me sens pourtant pas mauvais. Je veux dire, je n'ai pas envie de massacrer chaque personne qui passe dans la rue. Je veux juste être apprécié à ma juste valeur.

Pas être vu comme un monstre.

                                    ★

Si la lumière de ma vie venait à s'éteindre, je crois que personne ne le remarquerait. On dirait "Tiens, le monstre est mort." mais on ne me pleurerait pas. On ne pleure pas les démons.

Est-ce que j'ai déjà pensé à mettre fin à ma vie ? Plusieurs fois. Pour moi, la vie est une garce sans cœur, qui te séduit de ses courbes avenantes, puis te prive de ses douceurs pour mieux te torturer. Elle t'enferme dans une prison d'obligations, mais te maintient en vie pour mieux se délecter de tes souffrances.

En comparaison, la mort est plus douce. Laide au demeurant, elle t'enlace pourtant avec une douceur insoupçonnée, une tendresse qui te prive de ton souffle dans un baiser.

L'ultime baiser.

Mais la vie a une chose que la mort n'a pas.

Ma mère.

S'il y a un ange sur cette terre, qu'il se précipite en enfer pour avoir laisser la femme la plus généreuse, douce, aimante être bafouée par un mari rustre. Ma mère voit dans mon cœur, elle extirpe de la lumière de la noirceur de mon âme. Elle me prive des bras de la mort pour mieux m'enserrer. Je l'aime.

Est-ce qu'un psychopathe peut aimer ?

Ce jour là, lorsqu'elle me vit rentrer chagrin, elle ne posa pas de questions. Elle me sourit et m'apporta une tasse de tisane.

Je lui racontai ma journée,passant outre mes problème, la rendant belle et enfantine. Maman rit puis se leva.

-Je vais à l'église... m'annonça-t-elle. Tu veux venir.

J'hésitai. Je n'aime pas trop les églises, mais je vis dans son regard que c'était moins la religion mais passer du temps avec moi qui motivait sa demande.

J'acceptai donc.

Ce que je n'aime pas dans les églises, c'est le silence. Il oblige la méditation, et fait remonter les regrets en surface.

C'est tout sauf ce dont j'ai besoin.

Ma mère, très croyante, s'assit sur un banc de prière, m'y invita, puis ferma les yeux. Je m'assis près d'elle, observant les lieux avec malaise. Deux hommes m'observaient plus loin. Je les ignorai.

Une bible était posée à ma droite. Je la saisis et lut quelques pages.

Tu ne tueras point.

J'avais sans doute tué l'homme de la ruelle. Cela faisait-il de moi un pêcheur malgré mon ignorance des faits, un damné ?

Avais je réellement le Diable au coeur ?

Après tout...

J'ai rêvé que je tuais.

Le Diable au Cœur - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant