L'Autre

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J'ouvris les yeux, un mal de tête me taraudant. Je regardai autour de moi, dans le vague, et tentai de savoir ce que je faisais là.

Dans cette voiture.

Attaché.

Près d'Uriel.

Mis en joue.

Cette dernière constatation me figea.

Un souvenir remonta. Moi, l'autre moi...Qu'avait-il fait ?

Mon regard se porta sur mon pantalon.

Ensanglanté.

J'écarquillai les yeux.

Uriel m'observa un instant et appuya son arme contre ma tempe.

-Ne bouge pas.

Je me raidis et le fixai, plein d'incompréhension.

-Que s'est-il passé ? soufflai-je, à la fois terrifié par sa réponse et abasourdi par la situation.

Il me jaugea froidement.

-Tu as tué deux chasseurs...

Son tutoiement prématuré passa au second plan. J'avais tué ?

Encore ?

-Ce n'était pas moi...murmurai-je, le souffle coupé.

-Non, je sais Samael. Mais l'autre toi est bien trop dangereux pour que je te laisse filer...

Il reporta son attention sur le siège conducteur, séparé de nous par une vitre, nous laissant entre nous de l'autre côté. Il ne dit rien, l'air pensif.

Une lacérure ornait sa joue.

Voyant que je la contemplais il détourna les yeux avec une honte fugace.

-Il a essayé de me torturer...expliqua-t-il d'une voix ferme.

Je déglutis.

-Je suis désolé...soufflai-je.

Je le pensais vraiment. Uriel était mon ennemi, mais n'était pas un méchant.

À la différence de moi qui, de toute évidence, était décidément un vrai démon.

Au sens figuré comme littéral.

Uriel fixa son regard dans le mien. Sa répugnance teintée de haine qui alimentait son visage se changea en une sorte de pitié.

Bien pire.

-Tu n'as pas à t'excuser Samael...dit-il presque doucement. Tu as un monstre en toi, mais cela ne t'empêche pas d'en être la face humaine.

-Face humaine...plutôt masque...

Ma voix était amère, tout comme mon regard. Ma peur se teintait de résignation.

De consternation.

Uriel hésita, mais ne répondit pas.

Son silence était semblable à un acquiescement.

Je perdis d'un coup tout courage.

A quoi bon lutter ? J'étais davantage monstre qu'humain dorénavant.

L'avais-je toujours été ?

Ou était-ce mon combat pour ne pas l'être qui m'avait transformé ?

Je me morfondais dans ces noirs pensées quand Uriel prit la parole :

-Je pense que dans ce monde rien n'est noir et rien n'est blanc. Tout est d'une subtile nuance de gris qu'il faut apprendre à distinguer. C'est seulement ainsi que l'on peut savoir de quelle couleur et de quel côté nous sommes.

Le Diable au Cœur - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant