D'un seul coup, le QG me parut froid et sombre. Le contraste entre la douce et chaleureuse main de Lund avec le sol glacé et humide qui se trouvait sous mes pieds était poignant. Pour la première fois, je savais ce que le terme ami définissait vraiment. La valeur de ce proche semblait inestimable. Et à ce moment-là, Lund était pour moi, ma plus belle rencontre mais aussi la chose la première personne pour qui mon respect et mon estime ne faisait qu'augmenter au fil des jours. Je louai les dieux pour m'avoir mis cet ami sur mon chemin et remercia intérieurement cet ami d'être toujours à mes côtes malgré mon caractère un peu brut parfois. Cela me redonna un petit sourire qui devait me trahir sur le coin de mes lèvres, car il le vit. Bien qu'il ne fût aucune ne remarque dessus, je le senti m'observer. Cela me dérangea pendant un court instant mais très vite, j'oubliai. Je me perdis dans mes pensées, trop occupée à vouloir trouver un moyen de redécouvrir la vue. De la magie ? Une boisson ? Il faut tout tester. Je dois à tout prix retrouver mon sens. J'étais déjà excitée sans même penser à l'échec. Il était impossible d'échouer. Et je m'endormais avec cette idée en tête, le sourire aux lèvres. Le réveil fût doux. Il ne m'avait pas réveillé. Je l'entendais marcher. Des pas réguliers et lents. Lorsque mon pied toucha le sol, il se releva automatiquement. La terre était glacée. Je ne l'entendis pas venir. Il s'assied sur mon lit, me faisant sursauter. Il s'excusa :
-Pardon, je ne voulais pas te faire peur.
- Tu ne m'as pas fait peur.
Il se mit à rire. Ce qui me fit rire automatiquement. J'aurais voulu apercevoir la joie qu'il portant en lui, j'aurais voulu regarder encore et encore les traits de son visage. Mais je ne voyais que du noir, plus sombre et plus effrayant encore. je n'avais plus que mon imagination et les semblents de choses qui me servaient de souvenirs qu'ils me restaient de lui. Je restituais tant bien que mal les différents morceaux de son portrait. Je vis dans ma mémoire, l'image d'un jeune elfe aux cheveux couleur pourpre qui cassait l'uniformité de sa peau mat. Ses yeux, d'un vert émeraude, rendait son regard malicieusement séduisant et la griffure qui dominait son œil droit ne jouais aucunement sur la qualité de sa vue. Son oreille opposée était percée à trois différents endroits. Les deux griffures horizontales, qui étaient son tatouage de race, se trouvaient sous ses yeux en amande. Je garde le souvenir d'un jeune garçon à peine âgé de dix-huit ans. Grand, très grand, trop grand pour son âge. Voilà l'image que je m'étais faite de lui. Ce qui ne me déplut pas pour autant. J'étais tout simplement écœurée, peut-être, par l'idée de ne plus pouvoir l'observer, de démentir son image ou alors d'approuver mes souvenirs. Cette pensée m'attrista.Et cela dû se voir sur mon visage.
- Tout va bien ? S'inquiéta-t-il.
Je ne répondis pas.
Il répéta.
Rien.
Plus fort.
Rien.
Il cria.
Rien.
Alors, il se tut. Et son silence me tua. Pire, il me tortura, me laissant agonisée, rongée par les remords. Je senti le lit remontait de quelques millimètres, il s'allégeait d'un poids qui s'abattit sur moi comme un coup de masse. Il s'était levé et il s'en est allé. Je me retrouvée maintenant seule, sur ce lit, égarée dans cette étendue de noir que m'offrait mes yeux. C'était un spectacle effrayant, on perd nos repères, la notion même de l'équilibre. Mais c'est un mal pour un bien, il affine mon sens de l'ouïe. Et je compris enfin ce que Lund disait depuis le début : l'aura.
Maintenant, tout avait un sens. Quand je repenser aux conversations, je me sentais bête de l'avoir pris à la légère. Bien que faible, je pouvais le repérer. Il revient sur le lit avec quelque chose dans ses mains.
- Ouvre la bouche.
- Pourquoi ?
- Fais-moi confiance. Et arrête de poser des questions.
- Mais...
Ma bouche s'entrouvrit à peine qu'il y mit un petit morceau. C'était des raisins. Les raisins étaient une denrée rare que seuls les plus puissants pouvaient se permettre de manger. Dans le royaume, il existait qu'une seule région qui était capable de faire pousser des pieds de vignes. La seule terre sèche du royaume où l'argile ne coule pas en abondance, où le soleil inonde le ciel, ce qui donne les fruits si mûrs. Je mâchais doucement les petits fruits qu'il me donnait. Je pris le temps de déguster. Je lui étais reconnaissante, bien qu'en colère, il continuait à prendre soin de moi. Chose qui était au-dessus de mes forces, si je devais me trainer un boulet comme moi. Quand j'eus fini la grappe, il reparti chercher une serviette et un verre d'eau. Il m'essuya la bouche. Et me fis boire un peu d'eau. Elle était fraiche.
Lorsqu'il repartit, je me laissai tomber dans le lit sur lequel je me trouvai. Je l'entendis prendre une lame, il commença à l'aiguiser. Il semblait perdu dans ses pensées. Le sommeil l'avait quitté. Ses pas étaient las mais légers. Je devais me reprendre en main. Alors, je me redressai. Je ne sais pas si c'est son regard qui m'a poussé à aller jusqu'au bout de mon idée ou ma naïveté. Mais je me levai, fit quelques pas avant de glisser sur ce qui semblait être mon ancienne chemise. Il rigola aux éclats.
- Tu es vraiment maladroite Kayo. Il va falloir apprendre à être très attentive. Tu risquerais de te blesser.
- C'est bon ? Tu as fini de te moquer de moi ? Tu ne veux pas plutôt m'aider ? Dis-je en me redressant. Presque vexée.
- Non, il est temps de commencer.
- De commencer quoi ?
- Ton entrainement.
- Mais Lund, je suis aveugle ! Je ne peux pas. Pas maintenant du moins.
- Mais si, justement il le faut ! On a pas le choix. Tu dois le faire. Je ne te protégerai pas éternellement. Et même si je voulais, je ne pourrais pas rester tout le temps derrière toi.
A cet instant, quelque chose se brisa à l'intérieur de Kayo. Tout comme le sceau de magie qui les protéger, du monde extérieur. Cela fit un bruit étourdissant qui fit un echo dans cette grotte. Lund leva les yeux vers le plafond et murmura :
- Il est temps de partir.
