𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]

Chapitre 21

Toujours allongée sur mon lit, je regardais les différents posters que j'avais punaisés sur le mur. Celui des Beatles était mon préféré, non pas pour la musique - qui est tout de même remarquable - mais pour l'impact du visuel. Il y avait une dynamique dans le placement des musiciens et dans les couleurs utilisées pour mettre en valeur les membres du groupe.

J'expirai un bon coup en me répétant une phrase : « Est-ce que je m'habituerai un jour ? ». Une question qui tournait en boucle dans ma tête. Je n'arrivai pas à faire cesser et je ne pensais pas avoir de réponse non plus. Sauf que soudainement, j'entendis une voix.

« Un jour peut-être tu t'habitueras, qui sais... »

Les sonorités de la voix ne m'étaient pas inconnus. Je savais à qui appartenait cette pensée. Je me relevai de mon lit pour voir si je n'avais pas rêvé. Et la voix continua.

« Viens voir à la fenêtre ».

Je faillis enfiler une veste en plus mais je me ravisai. J'ouvris ma fenêtre et regardai en bas. Je le vis, en-dessous d'un éclairage public. Il avait été rejoint par son frère.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Je vous manque déjà ?

- Ça doit être ça, ouais, me répondit Luke.

Tyler donna un coup de coude dans les côtes de Luke ce qui ne le fit pas bouger d'un pouce.

- Ce que Luke essaie de te dire c'est que nous sommes venus pour agir maintenant.

Il l'avait dit avec tellement de naturel que je n'en croyais pas mes oreilles.

- Pardon ? Je n'ai pas dû bien comprendre, dis-je interloquée. C'est une blague que vous êtes en train de me faire ?

- On est on ne peut plus sérieux, finit Luke. On agit cette nuit et on a un plan...

Ils avancèrent de quelques pas vers moi pour être plus discrets.

- Bah encore heureux, déclarai-je. Attendez, vous vous apprêtez à commettre une infraction qui pourrait vous emmener direct à la case prison. Aussi vite que dans une partie de Monopoly.

- Et il est assez simple, précisa Luke.

Je fis la moue mais décidai quand même de descendre pour les rejoindre. Je m'appuyai sur le rebord de la fenêtre et sautai en retombant parfaitement sur mes deux jambes. Les deux frangins se rapprochèrent pour faire le moins de bruit possible.

Là, pendant quelques minutes, ils m'expliquèrent leur plan soi-disant simple qui me sembla hyper complexe. Mon cerveau devait se remémorer beaucoup d'éléments en sachant que si j'en oubliais un, notre plan risquait de tomber à l'eau.

- Il va falloir que tu rentres..., annonça Tyler en regardant ma fenêtre. Maintenant Jemma ! Ton père monte les escaliers, je l'entends !

Luke se colla contre le mur et joignit ses mains pour me faire la courte échelle. Sauf que je venais de sauter de cinq mètre tout à l'heure. Par miracle (ou par ignorance de toutes les facultés des vampires), Luke donna une grande impulsion après que j'eusse posé mon pied. Je me servis de cette puissance pour m'élancer et atteindre sans problème la fenêtre.

Je la refermai et la seconde suivante, mon père ouvrit la porte. J'avais été rapide en m'allongeant sur le lit avec le casque sur mes oreilles faisant croire que j'écoutais de la musique.

- Je t'appelle depuis tout à l'heure, tu pourrais au moins te donner la peine de me répondre ! grogna-t-il.

Ça y est, j'avais bien retrouvé mon père avec toute sa délicatesse ! Toujours les mots pour ne pas me froisser. J'ôtai l'appareil audio de mes oreilles pour ne pas paraître impolie et je prononçai comme seule excuse :

- J'écoutais de la musique pour me détendre... Je n'ai pas vu les minutes passer.

Et encore un mensonge. Bravo Jemma !

- Pas le temps de discuter. Viens manger parce que moi après je file bosser. Si tu ne t'en souviens plus, je suis de garde cette nuit.

Oh que si je m'en souviens t'inquiète pas papa.

- Oui, oui j'arrive, dis-je en me levant.

Il avait déjà tourné les talons avant que je n'enlève le câble de ma poche. Dans sa précipitation, il n'avait pas remarqué que je n'avais aucun objet dans la poche de mon jean qui reliait le fil du casque.

Je descendis les escaliers puis, juste avant de me rendre dans la cuisine, j'annonçai en parlant fort :

- J'me lave les mains et j'arrive.

Je crus entendre la phrase « Dépêche-toi ». Venant de lui, ça ne m'étonnait même pas. Je filai donc dans la salle de bain et courus vers la fenêtre. Je l'ouvris et Tyler apparut devant moi. Cela faisait partie de notre plan. Avec les humains, la distance jouait un rôle important dans la lecture des pensées. Plus il s'éloignait, moins de mots il comprenait.

Il entra avec la souplesse d'un chat mais avec la discrétion d'un mammouth. Il fit tomber un gobelet et ma brosse à cheveux qui se cassa en deux. Je fis alors un regard assassin vers lui.

- Je t'en rachèterais une autre, chuchota-t-il.

- Mais c'était la meilleure d'entre toutes celles que j'ai testées ! T'es pas cool...

- Bon, je te rachèterai la même mais maintenant file car ton père s'impatiente. Ses pensées ne sont pas très joyeuses si tu vois ce que je veux dire.

Je suivis les conseils de Tyler et je m'éclipsai. Dans ma précipitation, j'avais complètement zappé de me laver les mains. Je contournai le comptoir pour me retrouver devant la table où mon père était assis, débutant son dîner par une salade verte. Je m'attablai et posai la première question que les garçons m'avaient conseillée :

- Tu restes là-bas jusqu'à quelle heure ?

Il stoppa net la fourchette qui se rapprochait de sa bouche.

- Pourquoi ?

- Juste pour savoir...

Il dut prendre cette question comme une banale demande et me répondit après avoir avalé sa bouchée :

- Vers 7 am au plus tard.

Et demain, il reprendrait à 2 pm comme tous les jours. Puis j'enchaînai, faisant croire que pour une fois dans ma vie je m'intéressais au boulot qui m'avait enlevé mon père.

- Il n'y a personne dans ces moments-là, avec toi ?

- On est évidement plusieurs. Je suis accompagné d'un autre collègue pour la garde de ce soir.

Je laissais flotter la réponse dans l'air puis je repris de plus belle.

- Et il y a des codes partout, sur les ordis par exemple ? Parce que dans les films on voit toujours des demandes de codes quand on allume un ordi.

- Ah ça oui qu'il y a un code et tu ne le trouveras jamais tu peux en croire mon expérience.

J'affichais une tête intriguée puis j'entendis Tyler me communiquant « J'ai le mot de passe ! On se revoit après que ton père soit parti ».

- C'est bon, j'ai répondu à toutes tes questions ? Je peux aller travailler ?

J'opinai du chef. Il se leva, passa derrière moi et passa brièvement sa main dans mes cheveux. Il venait de me donner une petite attention comme pour dire « on n'est pas très proche mais je suis là si besoin ». Au fond de moi, je savais que je pouvais compter sur mon père si j'en ressentais la nécessité mais je ne l'avais jamais sollicité.

Pour ce diner, j'avais suivi les consignes des frères à la lettre et tout s'était déroulé comme prévu. Tout ? Et bien non, pas tout. Nous n'avions malheureusement pas anticipé le petit détour de mon père dans la salle de bain, pièce où se trouvait Tyler.