[2] Le dessin {part 1}

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Le crayon glissait sur le papier avec tant de légèreté que le trait laissé était à peine visible, comme des bribes de souvenir laissées là, au gré des vents.

Ces souvenirs qui s'envolaient comme des feuilles mortes dans mon esprit, qui s'envolaient au loin me laissant ici, seul dans l'obscurité qu'était devenu ma vie.
Sur le papier se laissait deviner une silhouette qui ne m'était pas inconnue. C'était Lui.
Lui qui était le seul et unique responsable du chaos qui régnait dans mon crâne.
De l'affreuse mélodie désaccordée de mes pensées qui se succédaient, se poussant les unes et les autres, apparaissant et disparaissant successivement dans un désordre incroyable qui tapait sur mes tempes.

La silhouette était de plus en plus reconnaissable, je détestais le dessiner mais ma main avait clairement décidé de continuer à laisser courir mon crayon. On Le reconnaissait parfaitement. Tout chez lui, ses cheveux châtains, ses épaules délicates ou ses jambes avait été retranscrit à l'identique sur le morceau de papier. Il obnubilait mon esprit et je détestais ça.

Rageusement je jetais mon crayon en me levant brusquement. Fichu conscience. En m'attachant à lui je savais pertinemment que je m'engageait sur un terrain très glissant. Mon cœur déjà meurtri ne supporterais pas un quelconque problème. Ce qui est fou c'est que même en sachant cela je m'étais laissé emporter moi Livaï Ackerman.

Cela devait arriver. C'était arrivé. Maintenant mon cœur jonchait au milieu de milliard d'éclats qui l'avaient composé. Mon cœur saignait, pleurait, souffrait.
Je connaissais les risques. Je les ai lâchement ignorés, j'en payais les conséquences.

Le dessin était terminé. C'était Lui de dos. Les bras le long du corps, bras dans lesquels j'aimais me blottir tel un enfant. Il semblait contempler quelque chose au loin. Peut être un futur prometteur pour lui, un futur dans lequel il m'oublierait en me laissant ici.

Dehors la nuit était tombée depuis longtemps déjà, mes cheveux ébène tombaient lâchement devant mes yeux et je surpris même des larmes clandestines se glisser le long de ma peau blafarde.
J'avais dessiné Eren et je me maudissais pour cela, je me maudissais pour toutes les années à venir.

Il était 2h37 sur l'horloge accrochée au mur blanc de ma chambre. Le silence était paradoxalement terriblement assourdissant.
Le sang frappait contre mes tempes, ma gorge était asséchée et me brûlait. En me levant pour aller boire je tituba légèrement, dans quel état pitoyable me retrouvais-je encore?

Un bruit caractéristique brisa brutalement le silence qui m'entourait.
La sonnette.
Je mis quelques secondes à réagir et a comprendre que quelqu'un sonnait réellement à cette heure si tardive.

En ouvrant ma porte j'avais préparé mon être à réceptionner dans mes bras contre mon gré ma folle de meilleure amie, Hanji Zoe.
Elle était brute et manquait cruellement de tac mais elle était aussi tout ce que j'avais. Tout ce qui me raccrochait au monde, depuis Lui.

Mais à ma porte ce n'était pas elle, une couleur de cheveux similaire certes mais ce n'était pas elle.

Des cheveux brun en bataille, un corps svelte et des yeux.... ses yeux comment les décrire? Vert? Bleu? Turquoise peut être? Ses yeux étaient le monde, ses yeux était la mer. Ses yeux étaient le tsunami qui arrivait sur moi.

Eren...

Sur l'instant tout ce bouscula dans mon crâne. Pourquoi était il ici?

- Livaï...

Une larme perla au coin de mon œil à l'entente de mon prénom. Sa voix.... je l'avais presque oubliée. Je voulais l'oublier, je le voulais de tout mon cœur et pourtant cela m'apparaissait comme impossible.

Mon prénom, prononcé par ces douces lèvres comme des milliards de fois auparavant. Lorsqu'il m'appelait du salon pour savoir quel programme regarder, lorsqu'il me présentait à ses amis avant de m'entourer de ses bras. Lorsqu'il paniquait à la vision d'un insecte et qu'il me hurlait de venir « le sauver » selon ces dires.

Mais les moments durant lesquels j'aimais le plus entendre mon prénom sortir de sa bouche, c'était lorsqu'il était gémit faiblement, dans un soupir, ou à l'inverse crié dans la jouissance. Lorsque nos deux corps ne faisaient plus qu'un, que nous n'étions plus qu'un amas de luxure. Les heures étaient des secondes et les spasmes incontrôlables de nos êtres emprunt au plaisir étaient...... incroyables.

Tout cela remontait maintenant à un an. Un an qu'il avait disparu sans prévenir et qu'il n'avait donné aucune nouvelle. Du jour au lendemain je m'étais réveillé seul, la place à côté de moi dans le lit était froide, terriblement froide.

Toutes des affaires avaient disparues, et la maison donnait l'impression de n'avoir toujours été habitée que par moi, et moi seul.
Alors que, j'avais la certitude, que la veille j'avais sombré dans le sommeil blotti contre son torse.

- Livaï... Je... je te dois des explications, et des excuses. Je t'en supplie laisse moi entrer...

Au fur et à mesure de ses paroles sa voix avait baissé, perdu en assurance. Je n'avais plus face à moi un jeune homme assuré mais un petit garçon pris sur le fait après une bêtise.

Une voix intérieure me hurlait de lui fermer la porte au nez, de courir dans ma chambre et de me terrer sous ma couette pour cacher ma tristesse et rester seul.

Mais j'étais dans l'incapacité totale de réaliser ces gestes. Mon bras était comme pétrifié, incapable de refermer cette porte. En réalité c'était tout mon corps qui semblait ne plus m'obéir. Comme fixé sur le sol, les muscles engourdis, le cerveau en stand-by.

•ℝ𝕖𝕔𝕦𝕖𝕚𝕝 𝕕'𝕆𝕤• 『𝐄𝐫𝐞𝐫𝐢 /𝐑𝐢𝐫𝐞𝐧』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant