[4] Ombre

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Il fait nuit tu vas bientôt venir. Tu viens souvent la nuit, quand le soleil a disparu pour laisser place à sa jumelle. Peut-être parce que ton corps frêle et tes cheveux ébènes se fondent mieux dans l'obscurité.
Peut-être parce que sous les rayons de madame la lune, la lueur de tes yeux gris devient irréelle.
Il fait nuit tu vas bientôt venir. Cela fait plusieurs mois que tu viens, et moi j'aime ta compagnie.

Il fait nuit et tout est sombre, malgré la blancheur de cette pièce. J'ai toujours détesté le blanc, le blanc trop pur de ses murs sans fenêtre. Le blanc trop blanc de ce lit et des draps qui le couvrent. Le blanc trop clair du vide qui règne dans mon esprit.
J'aime une sorte de blanc, un blanc doux, blanc porcelaine. Le blanc de ta peau blafarde qui contraste avec le reste. Tes cheveux noirs, tes habits noirs, tes yeux gris et ton esprit... noir.

Il fait nuit tu vas bientôt venir. Tu attendras que je regarde ailleurs pour arriver près de la porte. Tu as toujours fait ça, tu souriras difficilement.
Tu n'aimes pas sourire mais tu aimes le sarcasme. Tu n'aimes pas l'amour mais tu aimes m'aimer. Je n'aime pas le blanc mais j'aime ta peau.

Il fait nuit tu vas bientôt venir. Tu t'approcheras de mon lit. Je ne peux pas bouger, mon corps reste immobile. Alors c'est toi qui t'approches, à pas de velours tu réduis la distance.
Tu ne viens que quand je suis seul. Quand le silence règne autour de nous.
Il fait nuit tu vas bientôt venir, dis, est-ce que cette fois tu m'embrasseras ?

Il fait nuit tu vas bientôt venir. Chaque nuit nos lèvres sont si proches que nos souffles se mélangent. La pulpe de mes doigts frôle tes joues, elles sont si froides. Mais ta peau est si douce et fine.
Tes mains à toi se perdent dans mes cheveux, tes longs doigts s'emmêlent et m'apaisent.
Si tu savais comme je suis seul, comme j'ai peur. Tu ne viens que la nuit, j'aimerais que tu m'emmènes.

Il fait nuit tu vas bientôt venir. J'espère que tu viendras. Cette fois ci je te retiendrai, je ne détournerais pas le regard. Je partirais avec toi.
Si tu savais comme la vie est morne ici Livaï. Si tu savais comme l'envie de mourir me guette, perchée. Elle se tiens généralement dans le coin supérieur de la salle. En face de moi, près de cette foutu caméra.
C'est une masse sombre, difforme, semblant à de la fumée épaisse.
J'ai peur Livaï ; j'ai si peur.

Il fait nuit tu vas bientôt venir.
Hier on m'a dit que tu ne viendrais pas, j'ai envie qu'ils mentent, qu'ils aient tort.
J'ai envie que tu viennes pour leur prouver que j'ai raison. J'ai envie que tu m'emmènes et je ne veux jamais revenir.
Elle clignote ça m'énerve. La caméra clignote, la loupiote bleue m'énerve. Je sais qu'elle filme actuellement. En réalité elle filme toujours. Le jour comme la nuit.

Il fait nuit tu vas bientôt venir. Dit Livaï tu voudras bien me détacher ? Mon bassin est retenu par des lanières à ce lit trop blanc. Ils viennent l'attacher le soir et la détache le matin. Ils disent que ça minimise les risques. De quoi ? Je n'en sais rien. Parfois ils attachent aussi mes jambes, mais me laisse les mains libres. Heureusement car sans ça je ne pourrais pas te toucher.

Il fait nuit tu vas bientôt venir. Je t'en supplie Livaï délivre-moi. ~

Il fait jour, tu n'es pas venu.
Pourquoi ? Pourquoi leur as-tu donné raison ? Je t'ai attendu toute la nuit, j'ai détourné le regard, pressé que tu apparaisses. Mais tu n'es pas venu.
Ils m'ont demandé si tu m'avais rendu visite, je leur ai dit que non. Ils se sont regardés et ont hoché la tête.
Je ne comprends rien Livaï... aide moi.

Il fait jour, tu n'es pas venu.
Mes cernes se creusent et prennent une délicate couleur pourpre. Cela fait trois nuits que tu ne viens plus.
Le silence me rend fou, le sang tape dans mes tempes. Ils m'apportent des pilules. Tiens... elles sont bleues maintenant, elles étaient rouges avant, il me semble. Je ne sais plus. Y a t-il seulement un « avant » ?

Il fait jour, tu n'es pas venu.
Je ne compte plus les mois sans ta présence. Tu m'as abandonné Livaï.... J'ai peur, j'ai si peur.
J'entends le loquet de ma porte s'ouvrir, je n'aime pas ce bruit.

- Eren, comment te sens-tu aujourd'hui ?

Ils sont là. J'ai peur Livaï. Je n'aime pas le blanc, le blanc de leur blouse.

- Eren ? Il est revenu ?

Je fais non de la tête.
Pourquoi me parlent t'ils de toi Livaï ?
Un des hommes saisit un boîtier dans sa poche avant. C'est un enregistreur je crois. Il enclenche le mécanisme.

- Jeudi 7 Octobre. Patient Eren Yeager, le changement de traitement a été efficace, fin des hallucinations.

Il fait jour, tu n'es pas venu.
Je t'attendrais Livaï, à cause d'une chose.
Moi j'appelle ça l'amour, ils appellent ça...... la folie.

•ℝ𝕖𝕔𝕦𝕖𝕚𝕝 𝕕'𝕆𝕤• 『𝐄𝐫𝐞𝐫𝐢 /𝐑𝐢𝐫𝐞𝐧』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant