[7] Granit

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// TW : mention de deuil et de décès, no mcd //

Le vent fouettait mon visage laissant voler mes cheveux châtains attachés négligemment en un chignon hasardeux. Mes pieds foulaient le sol, jonché de feuilles mortes à cette période de l'année. Les arbres perdaient peu à peu leurs belles tenues d'automne, abandonnant leur douceur vermillon pour des branches nues bien trop squelettiques.
C'était la première fois que je venais ici depuis ce jour. La première fois que j'osais dépasser ce portillon de métal froid.

Ma silhouette se déplaçait entre ces dalles de granit bien trop grises, sous ces nuages bien trop sombres.
Huitième allée, au fond près du grand chêne. Je connaissais par cœur l'emplacement, tout simplement parce qu'Armin me l'avait indiqué le soir même de l'enterrement auquel je n'avais pas eu le courage d'aller.

Mon absence avait étonné, mon cellulaire avait vibré dû aux appels pensants me rappeler la date de ce jour détestable.
Mais je savais que c'était aujourd'hui, je savais que je devais m'y rendre ; seulement la perspective d'affronter les regards compatissants me dégoûtait.

Alors j'étais resté chez moi, dans le noir à pleurer, et j'avais attendu ce que l'on nomme « demain ».
Demain est un terme que j'exècre, que je méprise pour sa portée bien trop large. Demain c'est plus tard, après minuit, lorsque la date change. Mais demain c'est barbant alors parfois je m'autorise un « 24h et plus ». Demain, c'est dans ma tête alors demain, c'est quand je veux.

Je m'avançai lentement, le temps semblant s'être stoppé. Aucun son ne parvenait à mes oreilles rougies de froid.
Nous étions le 31 octobre, ce soir de nombreux enfants toqueraient aux portes du quartier dans l'espoir de recevoir quelconques friandises. En ce jour de la fête des morts j'avais décidé de traîner mon corps lourd de chagrin dans ce cimetières lugubre.
Le bruit de mes pas dans les graviers résonnait tandis que je remontais mon écharpe sur mon nez.
Dieu merci il ne pleuvait pas, mais le froid sec qui englobais la région me donnais l'envie de retourner me blottir sous mes draps épais.
Sur certaines des tombes étaient perchés de gros corbeaux noirs qui, de leur œil curieux, observaient les passant aller et venir se nourrir des souvenirs partagés auprès des personnes enterrées là.
J'arrivais bientôt devant l'arbre nu de toutes feuilles qui surplombait le lieu, le cœur comme serré entre de longs ongles se plantant à l'intérieur. Mon regard ancré sur le sol, fixant mes chaussures qui me semblaient pour une fois plutôt intéressantes, incapables de lever les yeux. Nous étions mardi, nous étions Demain, le demain que je redoutais ; et j'étais là, froissant les feuilles de mes pas las. Hier, nous étions jeudi, ce jeudi avait duré 120h en tout, il était maintenant temps pour moi de rattraper la course des jours.

Armin avait raison, même si ses mots avaient eu l'effet d'une gifle glaciale sur moi, ils m'avaient aussi aidé à sortir de mon malheur pour me rendre ici.
« Tu es dans le déni Eren. »
Je l'étais, j'y était même confortablement installé, comme blotti.
Le déni était un endroit dangereusement accueillant, semblant faire barrière à toute nuisance extérieure en nous protégeant d'un cocon doux. Alors oui, je m'y étais précipité, à vrai dire même tête la première.
À la suite d'un deuil, des études ont mis en lumière le fait que l'être humain passe par 7 différentes étapes.

La première est le choc ; à ce stade la personne assimile l'information de la perte et l'esprit se défend légitimement par le Déni. La réaction la plus commune est la négation, on refuse d'affronter les faits.

Une fois cette étape passée viennent la douleur et la culpabilité. Cette étape est de loin la plus chaotique de toutes, désormais la personne endeuillée est accablée de remord, elle réalise la portée de la perte subie et peut même se sentir coupable et responsable. Tout est flou.

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•ℝ𝕖𝕔𝕦𝕖𝕚𝕝 𝕕'𝕆𝕤• 『𝐄𝐫𝐞𝐫𝐢 /𝐑𝐢𝐫𝐞𝐧』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant