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Ces chiffres correspondaient à notre période et jour de naissance selon le Renouveau, personne ne porte de ce que l'on appelait jadis un nom. Chaque autre est attaché à un numéro dès la naissance.

Mon numéro complet est 78 02 30 1, Renouveau soixante-dix-huitième, période deuxième, trentième jour, premier enfant. Je dois donc passer au Rafraîchissement cette semaine.

Mon ami, je crois, numéro 73 10 20 8 me regarda alors:

« Tiens, c'est ton tour cette semaine...

- J'ai entendu aussi, m'ennuyais-je, je vais essayer d'y aller tôt pour passer le plus vite possible.

- Je sais que tu détestes ça, moi aussi cela m'énerve de devoir le subir chaque période. Reprit-il. Mais tu n'as pas besoin d'être désagréable avec moi.

- C'est vrai, excuse-moi. Je concédais. Une mauvaise journée s'annonce. J'ai déjà l'impression que l'on est en train de porter atteinte au peu de vie privée que l'on a, qu'on est constamment surveil...

Il me coupa:

- Tais–toi ou on va se faire bannir. Ne dis rien et fais comme tout le monde ! c'est le mieux à faire pour ne pas se faire remarquer !»

Je le savais très bien et, vexée, je me préparais à partir.

Je commençai à me lever pour y aller, il m'attrapa par le poignet. Je sentis alors mon cœur battre à toute vitesse. Il plongea son regard dans le mien et m'insinua de faire attention à moi. Il me lâcha et reporta son attention sur son verre. Il le remuait légèrement créant des vagues. Je connaissais ce code presque invisible. Je lui répondis en serrant ma main sur son épaule. J'y serais.

Je jetais, par l'encoche prévue à cet effet, ma boîte et me mis sur le tapis roulant : direction le Rafraîchissement.

Je repensais encore à la sensation que j'ai ressentie lorsqu'il m'a touchée... Je ne ressentais cela qu'en sa présence, je ne comprenais pas ce que c'était et cela me perturbait grandement...

Une fois là-bas, - fort heureusement il n'y avait presque personne - je pris la sixième pilule de la journée. Je me déshabillai jusqu'à être dans mon plus simple appareil. La nudité n'était pas dérangeante puisque nous sommes morphologiquement identiques mais je fus tout de même gênée de montrer mon corps.

Je me plaçai dans un des œufs et mis le masque relié à l'oxygène. De l'eau commença alors à monter, mes pieds étaient noyés, puis mes jambes, mes hanches, ce fut le tour de mon torse, pour finalement être entièrement submergée. La sensation de non gravité me donnait l'impression d'une légèreté mais aussi une sensation de perte de contrôle total sur tout ce qui m'importe... comme à chaque fois, comme à chaque période depuis que j'ai conscience que tout n'est pas parfait. Je perdis connaissance.

Je me réveillai, allongée et nue sur une table qui me paraissait glacée. Une sensation de malaise m'envahit encore. Je savais que d'autres m'avaient pesée, manipulée, tripotée, lavée, frottée, violée... Mais ils avaient fait bien pire à mes yeux, ils avaient prélevé mes ovules comme ils prélevaient le sperme de mâles. Ils dissociaient alors parents et enfants.

Je me vêtis à nouveau d'une nouvelle combinaison et bus d'un coup le contenu du verre posé à côté de moi, encore des substances chimiques obligatoires. Je ressortis sur le tapis roulant.

Devant moi, se trouvait un groupe d'enfants avec leur instructeur du jour. Chaque jour un nouveau, il fallait, dès le plus jeune âge, apprendre à ne pas s'attacher, être indépendant. Il ne fallait pas ressentir quelconque émotion. Ils n'ont pas de parents et ils ne savent même pas ce que c'est...

Et... si ça se trouvait, il y avait un de mes descendants dans une de ces classes.

Bunker 92Where stories live. Discover now