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Le lendemain, en silence, on enfila chacun une combinaison neuve sans oser se regarder en face. Mais nous savions très bien, par des regards timides en coin, que nous étions encore ébouriffés et fiévreux de la vieille.

Nous sortîmes séparément sur le tapis mais nous nous rejoignîmes aux lieux communs pour un nouveau cycle : réveil, combinaison, tapis, boisson, pilules, travail etc. Les seules choses qui changeaient aujourd'hui, étaient la gène entre Éros et moi lorsque nos regards se croisaient mais aussi l'alarme qui retentit alors. Nous en avions oublié le danger qui planait sur nous. La sonnerie était assourdissante, je n'en avais jamais entendue de telle. La Garde présente rugissait de fermer toutes les issues afin que personne ne sorte de la salle.

Les autres autres s'affolèrent alors que le visage d'Eros et le mien s'affichèrent sur les écrans et qu'une voix rugissait par les haut-parleurs : « Ces deux autres sont recherchés d'urgence ! Numéro 73 10 20 8 est recherché pour complot et vols répétés ! Numéro 78 02 30 1 pour complicité de délits ! Si vous les avez vus, contactez les Caméras ou la Garde ! Ne cherchez pas à les approcher, ces individus peuvent être dangereux ! Toute complicité sera sanctionnée ! ». Pour illustrer les propos, les écrans géants nous affichaient lors de nos discussions.

L'écran changea encore, on ne voyait plus nos photos d'archives mais nous, en direct, à notre table. Toutes les Caméras étaient tournées vers nous. Nous nous levâmes d'un bond.

J'ai immédiatement pensé au mot « apocalypse » mais il était un peu trop fort pour décrire ce qu'il s'était réellement passé. « chaos » correspondait mieux.

La Garde se déversa dans la salle, nous tenant prisonniers dans le coin.

Je regardai Eros qui me regarda à son tour, nous étions pris au piège, nous allions être bannis...Cela voulait dire « mourir », j'imagine.

Tout à coup, comme dans les livres que nous avions lus, Eros prit un tabouret et le lança dans la fenêtre menant vers l'Extérieur. Le verre se brisa éclaboussant sur nous une pluie de débris qui nous entailla. Je me protégeai les yeux de mes mains mais reçus un éclat. Je n'avais jamais ressenti une telle douleur. On m'entaillait, on me brûlait. Tout devint de plus en plus flou, on me volait ma vue. Perdue, Eros m'aida à escalader la fenêtre tandis que l'air extérieur venait brûler les poumons de autres. Même Eros toussa et cracha.

Mais, ce n'était pas l'extérieur. Il n'y avait pas d'immense plaine, ni de montagnes gigantesques et encore moins le ciel enflammé de l'aurore. Le paysage était une illusion, une simple projection sur un écran.

A la place, il y avait une échelle murale qui s'engouffrait dans un long boyaux ferreux au dessus de nos têtes.

Il fallait partir, s'échapper. Eros m'encouragea:

« Monte ! Psyché, vite l'échelle. »

Je mis la main sur le premier échelon. Des projectiles fusaient près de nos corps et de nos têtes, les automates de la Garde tiraient.

J'accélérai, deuxième échelon, troisième...

Nous montions, toujours plus haut et sans voir la fin. Juste en dessous de moi, Eros m'incitait à aller plus vite, encore plus vite. Nous avions parcouru peut être 50 mètres. Un liquide s' écoulait des pores de mon corps, il était salé et âpre. La douleur de mon œil s'intensifiait. Je n'arrivais plus à ma concentrer mais il fallait que je tienne ! Plus haut, encore plus haut ! Mes mains humides et entaillées ne voulaient plus s'accrocher à la vieille échelle rouillée. Je perdis l'équilibre. Je tombai. Dans ma chute, je sentis la main d'Eros me retenir, en vain, comme un dernier geste d'apaisement. A ce moment-là je sus : C'était de l'amour... Il cria mon nom, je crois, un cri de douleur qui déchirerait n'importe quel coeur... je crois avoir prononcé « Je t'aime », juste avant le vide... juste avant le sol... La dernière chose que j'ai ressenti était un brasier ardent qui consumait l'intérieur de mon être.

Bunker 92Where stories live. Discover now