VI- Goudron

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Une fois l'appel fini, les nouvelles arrivantes sont affectés à des postes . Magda était affectée à un des postes les plus prisé : la cuisine. Elle pouvait chaparder des aliments et ainsi subvenir à sa faim. Mais je savais qu'elle ne faisait pas que cela. Certains officiers usaient de ses charmes pour assouvir leurs besoin bien loin de leurs femmes ou compagne, et Magda était loin d'être bête pour refuser cela, avoir les privilèges d'un haut gradé était la possibilité d'avoir toutes les cartes en main pour survivre. Et puis, le plaisir permettait d'oublier certaines horreur un court instant... Quant à moi, je n'eu pas cette chance. Je fut affecté dans un commando de construction. Plus précisément,  construction de nouvelles routes .

Je portais les bidons de goudron de plus de 70 kg à main nues avec une autre femme, dont je ne connaissais pas le nom et qui refusait de parler. Elle était en piteuse état et faisait ce travail de puis longtemps vu ses gestes qui montrent un travail quotidien et son corps décharné et noir de goudron. Cela faisait maintenant 2 semaines que je faisais ce boulot, j'étais à bout de forces, je n'en pouvais plus. Les kapos étaient alertes sur chaque faux mouvement et certains faisaient en sorte de nous faire tomber pour pouvoir mieux nous taper . Mais ce jour-ci fut différent. Les femmes manquaient, une croissance de mort disent certaines. Et le directeur du camp voulait finir au plus vite ce chantier gigantesque. Des officiers apparurent donc encadrant des hommes. Des Hommes. Toutes les femmes s'arrêtèrent de travailler pour voir ce nouveau groupe de travailleurs pour le moins surprenant. Aucune mixité hommes/ femmes n'était autorisé, mais le directeur à du changer d'avis pour finir les travaux, les hommes étant plus robustes et aptes au travail. On leur donne des pioches, à d'autres des bidons de goudron, et le travail reprit sous le coup des bâtons.

Alors que je portais le dernier bidon de goudron de la journée avec la vieille femme, cette dernière tomba. Un kappo rappliqua de suite et la roua de coup, jusqu'à sa mort, puis me pressa de lever le bidon, je voulais répliquer qu'il était trop lourd pour moi, mais ses cris s'accentuèrent et elle s'approcha dangereusement de moi. Quand surgit un homme gigantesque, qui prit le bidon et d'un coup d'œil me pressa de prendre l'autre partie. J'obéis et nous portâmes le goudron, sous l'œil frustré du kapo , ne pouvant assouvir sa soif de haine. L'homme m'aida à poser le bidon, et je voulut ouvrir la bouche pour le remercier, mais avant qu'un son ne s'y échappe, il était déjà partie.

Pendant toute la nuit, j'ai repensé à cet homme. Il devait faire les alentours des  1 m 90, la trentaine peut-être, cheveux blonds, yeux bleu. Un portrait typique d'un aryen . Un bruit se fit entendre et dissipa mes pensées. Une silhouette s'approcha de moi et je reconnus Magda.

"Salut" me lança t-elle en anglais

"Qu'est ce que tu faisais dehors ? " demandais-je

Embarrassé, elle me dit d'un murmure

"Rien de spécial, je faisais juste un travail supplémentaire"

Je savais très bien ce dont elle faisait allusion.

" Je sais Magda, mais ne t'inquiètes pas, je ne te jetterai pas la pierre pour ce que tu fais. On veut tous survivre, quoi qu'il en coûte"

Elle me sourit et s'allongea à côté de moi

"Tu ne le répéteras pas n'est-ce pas ? Je n'ai pas envie d'avoir tout le monde à dos, déjà qu'ils me regardent tous avec jalousie"

Je réprima un gloussement, l'humilité n'était pas le point fort de Magda.

"Allez, dors, tu en auras bien besoin pour demain" me dit-elle.

J'hésitai à lui parler de cet homme, mais je me résignais à ne pas lui dire. Quelques minutes après notre conversation, le sommeil m'emporta .

Le lendemain, une fois arrivé sur place, on m'assigna une nouvelle partenaire pour porter les bidons. Enfin, UN nouveau partenaire. C'est l'homme d'hier. Coincidence ? je ne sais pas . Un des kapo nous pressa de commencer le travail, et nous portâmes les bidons, puis les versèrent sur la route. En cours de chemin, j'ai décidé de prendre la parole 

"merci, pour hier ..." dis-je en Français.

Il s'arrêta et me regarda, j'ai donc lever mes yeux vers lui pour inspecter son visage, je le connaissais, un autre fantôme de mon passé, mais je n'arrivais pas à me rappeler qui.

" de rien" me dit-il avec un fort accent allemand

Il parlait donc Français. Nous continuâmes notre route  et une fois le bidon versé, il me dit:

" Je m'appelle Klaus" il accompagna ses mots de sa main et me la tendit. Je la fixa tout en réfléchissant

"Klaus... Klaus.. Ah mais oui, je crois m'en souvenir, mais vaguement"

Je me décida à lui prendre la main et la serra

"Lucile"

Il me sourit et dit

"Enchanté Lucile"

A ces mots, un nouveau fantôme de mon passé surgit avec Magda : Klaus.


Jusqu'au bout du mondeWhere stories live. Discover now