Chapitre 3 : Raz de marée

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Burn out. Ça y est le mot était lâché. Mon médecin n'était pourtant pas du genre à être complaisant. Je devais vraiment avoir une sale tête. Au début je n'avais rien dit, je l'avais laissé m'ausculter, je le voyais froncer les sourcils, reprendre ma tension trois fois de suite. Il m'avait ensuite demandé si je dormais bien. Je dus lui avouer les difficultés de ma vie. Le travail, la rupture de mon couple. Il soupira en secouant la tête de gauche à droite. 

- Bon, on va arrêter les bêtises. Je vous mets en arrêt...

- Non, docteur ce n'est pas possible !

- Ah non ? Pourquoi je vous prie ?

- Les effectifs sont déjà énormes, cela va gonfler encore les autres classes et mes collègues...

- Vous vous sentez capable de passer encore une matinée comme celle d'aujourd'hui ?

Je soufflais, les épaules basses. En effet, je n'avais pas l'énergie pour affronter une autre matinée telle que celle-ci. Pourtant, ce n'était pas la plus difficile que j'avais eu à vivre. Je secouais la tête négativement.

- Comment ? Dites-le moi clairement.

- Non, docteur.

- Bien, nous sommes donc d'accord. Je vous mets trois semaines, avec les deux semaines de vacances qui suivent, cela devrait vous permettre de reprendre le dessus. Et puis, le rectorat pourra nommer un remplacent.

Je hochais la tête, penaude. Evidemment, il avait raison.

- Mieux vaut que vous vous arrêtiez maintenant pour quelques semaines, que vous arrêter pour une année parce que vous auriez été trop loin.

Je quittais le cabinet et rentrais chez moi, non sans avoir fait un détour par la pharmacie et par l'école afin de déposer la feuille pour mon arrêt maladie. La directrice sembla satisfaite de la conclusion du rendez-vous médical et me renvoya promptement à mon domicile qui ne le serait plus dans quinze jours. Je commençai par me dévêtir après avoir fermé la porte. Je me glissai sous la douche et sans que je ne comprenne pourquoi les larmes se mirent à nouveau à couler. Je n'avais pas encore évacuer toutes mes larmes il fallait croire. Lorsque je remarquais que la peau de mes doigts étaient fripés, je sortis et enfilai rapidement un peignoir. Je remarquai alors le flacon de parfum de Samuel. Celui que je lui avais offert à Noël. Il était plein, presque neuf. Je le portai à mon nez et compris pourquoi : il avait changé de parfum. Je ne le remarquai qu'à ce moment-là. Quelles étaient les autres choses que je n'avais pas remarquées ?

Mon téléphone sonna. Une photo de ma mère apparut à l'écran. Je décrochais un peu lasse, mais j'avais besoin de parler.

- Bonjour maman.

- Bonjour ma chérie. je ne te dérange pas ? Tu dois être au travail.

- Non pas de souci maman, tu ne me déranges pas. Je ne suis pas au boulot.

- Tu vas bien chérie ?

- ... Non... Maman, ... il m'a quitté... virée de la maison... quinze jours... sanglotais-je.

- Doucement ma puce. Je ne comprends pas tout. Samuel te demande de partir de la maison ? Mais pourquoi ? Que s'est-il passé ma chérie ?

Je soufflais un bon coup et repris :

- Il me trompe depuis un moment avec une Daphné et il me quitte pour elle. Il veut vendre la maison et me demande d'enlever mes affaires dans les quinze jours qui viennent.

- Oh ma douce ! J'arrive tout de suite. J'apporte à manger.

Je n'eus pas l'occasion de répliquer qu'elle avait déjà raccroché. Je mis rapidement de l'ordre et allai vêtir une tenue décente. Quinze minutes venaient de passer quand la sonnerie de la porte retentit. J'eus à peine ouvert la porte, que ma mère, les bras chargés, lâcha ses sacs pour me prendre dans ses bras. Sa sollicitude et son empathie me réchauffèrent le cœur et ouvrirent encore une fois mes vannes lacrymales. Je pleurais en silence cette fois. Je me promis silencieusement que c'était les dernières que je verserais pour ce connard. Me frottant le dos, elle me réconforta. J'essuyai mes larmes en constatant qu'elle aussi avait les yeux brillants.

- Allez, viens allons manger. Tu me raconteras après.

Je triturais la nourriture dans mon assiette. Je n'avais pas vraiment faim. Pourtant je n'avais rien avalé depuis hier midi.

- Laisse ces pauvres lasagnes, elles sont bien assez en charpie. Allez raconte. Pourquoi n'es-tu pas à l'école ?

Je lui décrivis alors ma matinée de cauchemar, elle constata mon œil inflammé. Elle se leva et rapporta quelques glaçons dans un torchon et me les posa sur le visage.

- Là, ça devrait te soulager. Ton médecin a eu raison. Je pense à un truc, est-ce que ça te dit si on débarrasse tes affaires dès aujourd'hui ? Viens à la maison, le temps de te trouver un nouveau logement. Ta chambre est libre et tu auras une salle de bain pour toi puisque celle de notre chambre est terminée.

Je réfléchis un instant, posant mon regard dans le salon et me fis la réflexion que trop de souvenirs encombraient cet espace. Je ne pourrais pas tarir mes larmes dans ce lieu qui avait connu les bonheurs d'un amour aujourd'hui perdu. Je lui donnais mon accord et elle appela mon père à la rescousse. Il devait être sur son vélo, mais, comme il le disait lui-même, il n'y avait rien de plus important que de m'aider et me soutenir. Il arriva trente minutes plus tard avec des cartons et deux malles. Je récupérais tous mes effets personnels, il y en avait de disséminé partout. Sept ans de vie commune, ça laissait des traces. Je fis un carton avec tous les souvenirs communs, je ne savais pas ce que je voulais en faire, mais dans l'immédiat, je préférais les conserver. Je verrais plus tard. Vers vingt-et-une heures, nous avions terminé. Mon père nous amena au restaurant avant de rentrer. Je passais ma dernière nuit dans cette demeure. Demain, je tirais un trait définitif sur cet amour trahi.

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