Chapitre 6 : Gros vent

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Je n'en revenais toujours pas d'avoir rêvé du voisin. Il était certes très beau mais il paraissait nettement plus âgé que moi. Et puis il avait des enfants. Ma mère n'avait pas précisé s'il avait une compagne mais beau comme il était, il était peu probable qu'il soit seul. Je ne pouvais pas me laisser aller à fantasmer sur lui ni sur aucun mec. Je devais faire un break. Plus de mec, plus d'élèves. Je ne penserais qu'à moi, jusqu'à ce que je ne me mette plus à pleurer pour un oui ou pour un non.

Je descendis retrouver mes parents et surpris ma mère au téléphone.
- Je comprends Sandrine, mais tu ne peux pas faire un effort. Ce n'est que pour deux petites semaines... Je ne crois pas qu'elle ait envie de le faire... Bon je vais me débrouiller!

Elle raccrocha après l'avoir saluée. Elle sourit en apercevant ma présence sur le pas de la porte.

- Tu t'es bien reposée ma chérie ?

- Oui j'ai plutôt bien dormi...

Je sentis mes joues chauffer en repensant au rêve que j'avais fait. Ma mère haussa les sourcils mais cela ne dura pas. Elle m'invita à venir l'aider à cuisiner.

- Je t'ai entendu au téléphone, tu as des soucis ?

- Oh oui, j'avais trouvé quelqu'un pour s'occuper des enfants du voisin lorsqu'il travaille mais celle-ci ne peut plus. Elle est enceinte et le premier trimestre est plutôt difficile.

- Je peux comprendre, les enfants sont parfois si épuisants.

- Pourtant ils sont plutôt mignons et gentils.

- Ils ont quel âge ?

- Six et huit ans. Un garçon, Léon et une fille Isobelle.

- Fiou ! Ils sont branchés vieux prénoms les voisins !

- La femme de Frédéric était historienne je crois.

Je ne relevais pas l'usage du passé je n'avais pas envie d'en savoir plus.

- Ils ne vont pas à l'école ?

- Si mais leur père ne rentre pas avant 18h30. Alors il faut quelqu'un pour aller les chercher, leur donner le goûter et leur faire faire les devoirs.

- Il n'y a pas de garderie ?

- Il n'a pas trop les moyens. Cette solution était plus simple pour lui.

- Hum hum.

On en resta là jusqu'à ce que ma mère remette cette histoire sur le tapis vers la fin du repas.

- J'y pense Betty, tu pourrais remplacer Sandrine le temps que je ...

- Pas question !

Je recevais la tête surprise de la réponse de mon père. Il avait parlé avant moi.

- Mais enfin...

- Non Martha, notre fille a besoin de se reposer. Elle n'est pas venue là pour faire la classe aux deux petits aussi mignons soient-ils.

Je voyais bien que cette réponse contrariait ma mère et je dois avouer que même si j'avais envie de refuser, j'étais étonnée de la réaction si vindicative de mon père.

Je souris à mon père le remerciant silencieusement de son intervention. Ma mère n'en rajouta pas mais elle avait le don de nous faire culpabiliser en prenant une tête de martyre.

Les jours qui suivirent, ce fut elle qui s'occupa des enfants, je préparai alors les repas en son absence. Il ne restait qu'une semaine avant les vacances et arriva une journée où elle ne put aller chercher les enfants. Mon père s'y colla et me demanda de l'épauler pour les leçons. Je ne pus refuser. J'accompagnai alors mon père dès la sortie des classes, les enfants devaient être habitués à mon père car les deux têtes blondes s'avancèrent gaiement vers lui.

- Bonjour Léon, bonjour Isobelle. Comment s'est passée votre journée ?

- Super Papet ! Mamet n'est pas là ? répondit avec enthousiasme je jeune garçon.

- Non mais je vous ai ramené ma fille, Betty. C'est une maîtresse d'école elle aussi, mais elle est en vacances en ce moment. Elle a bien voulu venir m'aider pour vos leçons.

La fillette me toisa avant de reprendre son chemin tandis que Léon me sourit gentiment. Je découvrais alors que les deux enfants considéraient mes parents comme leurs grands-parents. A moins que ce soit un façon affectueuse et polie de les désigner. J'étais assez surprise, je ne savais pas que mes parents avaient noué de tels liens avec leurs voisins. En même temps, j'en étais assez heureuse, je ne vivais plus avec eux depuis longtemps jusqu'à ces derniers jours, et j'étais leur seule enfant malgré qu'ils eussent aimé en avoir d'autres.

Le trajet jusque chez eux fut animé par les verbiages de Léon qui racontait par le menu toutes les péripéties de la journée. Je remarquais cependant qu'Isobelle restait renfermée, et ne prononça pas un mot si ce n'est ceux du minimum syndical de la politesse. Je sentais qu'ils avaient des rituels bien ancrés et que mon père les maîtrisait tout à fait. Lorsque ce fut le moment de faire les leçons, Léon s'installa près de mon père alors qu'Isobelle prit place au bout de la table. Je m'installais alors près d'elle et attendis qu'elle ouvre son agenda. 

- Tu as beaucoup de leçons à faire ?

- Pas trop.

- Comment travailles-tu avec Mamet d'habitude ?

- Je me débrouille toute seule, je suis plus un bébé. Si j'ai des questions, je les poserai.

Okkaaayy. Bon au moins ça avait le mérite d'être clair. Je me levai alors pour marcher un peu en furetant dans la pièce, cherchant des informations sur la vie de ses habitants. Le salon faisait aussi office de salle à manger. Elle donnait sur le jardin que je devinais assez bien entretenu. La pièce était chaleureuse, on y voyait quelques bricolages d'enfants, une bibliothèque comprenant des livres jeunesse et quelques DVD de dessins-animés. C'était une maison vivante, pas parfaitement rangée mais propre et agréable. Je retournais auprès d'Isobelle, elle lisait un livre. 

- Tu dois lire pour demain ?

- Non, j'ai fini.

- Qu'est-ce que tu as fini ?

- Mes leçons.

Je regardais ma montre, cela faisait dix minutes qu'elle avait ouvert son cartable. 

- Je peux vérifier ?

- Si tu veux, mais c'est pas la peine j'ai tout bon et je connais tout par cœur. me répondit-elle avec un ton dédaigneux et une fin de non recevoir. 

Par acquis de conscience, je regardais dans ses affaires et effectivement tout était fait, toujours au minimum syndical, mais fait. Je soupirais de lassitude et la laissais tranquille, je n'avais été d'aucune aide. Je prévins mon père qui aidait Léon dans sa lecture que je partais. Je saluais les enfants et traversai la rue. Alors que je passais le perron de la maison, la voix du père des enfants voulut m'interpeller. J'entrais alors ignorant délibérément son appel.

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