Chapitre 7 : Averse

1.7K 171 4
                                    

- Ça s'est bien passé ce soir avec les deux petits ? demanda Maman en rentrant de sa réunion à la mairie.

- Oui, comme d'habitude Léon a parlé pour les deux. déclara Papa.

Je leur demandai alors si Isobelle était toujours comme cela. Ils m'apprirent qu'ils ne l'avaient jamais vue que comme cela mais que son père leur avait confié qu'elle était bien plus joyeuse avant le décès de sa mère.

- Cela peut se comprendre c'est traumatisant de perdre sa maman. J'ai une élève qui avait carrément arrêté de parler pendant près d'une année.

- Comment a-t-elle retrouvé la parole ? m'interrogea ma mère.

- Avec de la patience et en la stimulant par des activités dans lesquelles elle a réussi à s'épanouir. Je me souviens que son père lui avait offert un animal de compagnie.

- C'est une idée mais pas sûr que Frédéric soit pour.

- Pour que sa fille aille mieux ?

- Non plutôt pour avoir un animal. Il galère déjà à s'occuper des enfants et de lui-même alors un être vivant supplémentaire...

- Vous pourriez en adopter un pour eux. Ils vous voient presque comme leurs grands-parents.

Mes parents se regardèrent un peu gênés. Je ne savais pas si c'était ma remarque sur leur lien avec les voisins ou bien ma suggestion qui les mettait mal à l'aise.

- Tu ne nous en veux pas ?

- De quoi Maman ?

- De passer du temps avec ces enfants et d'aider leur père ?

- Bien sûr que non. J'en aurais fait de même et puis vous ne m'avez plus à charge il est normal que vous fassiez votre vie.

Ils relâchèrent leur souffle qu'ils avaient contenu tout le long de ma réponse.

- Je suis sincère lorsque je dis que vous pourriez prendre un animal pour eux.

- C'est une chouette idée ! Encore faut-il choisir quel animal !

- J'imagine que vous vous occupez d'eux durant les vacances aussi ? Il suffira de faire cette adoption avec eux. Ils vous diront ce dont ils ont envie même si vous précisez qu'il est pour vous.

- Il faudra quand même mettre des limites : je ne veux pas de serpent, de rat ni d'araignée chez moi.

Mon père et moi éclatâmes de rire devant l'air dégoûté de ma mère.

Dans la soirée je décidais d'aller marcher un peu. Le quartier était plutôt sûr et bien éclairé. Je marchais en repensant à cette fillette qui était si malheureuse. Elle ne m'avait pas laissé la possibilité d'apprendre à la connaître. Je me disais qu'elle s'était sûrement barricadé pour ne plus prendre le risque de s'attacher de peur de perdre un nouvel être cher. Mes pensées continuèrent leur chemin au rythme de mes pas. Finalement je faisais exactement la même chose avec son père. Pas que j'ai quelque attirance ou envie de sortir avec lui. Mais je ne lui laissais même pas la possibilité d'échanger avec moi. Je repensais à mon attitude malpolie et ridicule de cet après-midi et eus honte de moi.

J'avais fait le tour du quartier et j'approchais de la maison. Je me trouvais devant le portail du voisin lorsque celui-ci sortit pour déposer ses poubelles sur le trottoir.

- Salut. lui dis-je.

- Ah, en fait tu n'es vraiment ni sourde ni muette !

Penaude et honteuse je regardais mes chaussures. Il s'avança et me relevant la tête il ajouta :

- Je te taquine. Ta mère m'a dit que c'était difficile pour toi en ce moment.

- Ça ne justifie en rien mon attitude. Je te pris de bien vouloir m'excuser.

- Je ne sais pas si je vais te pardonner si facilement ...

Je le regardais amusée feignant d'être choquée. Il avait laissé son doigt sous mon menton et détaillait lentement mon visage. Je sentais son regard glisser sur ma peau, il s'attarda quelques secondes sur mes lèvres et remonta vers mes yeux. Durant ce moment je parcourais également son visage des yeux. Il ne me touchait presque pas et pourtant son doigt m'apportait mille sensations. J'en arrivais à souhaiter un plus grand contact. Qu'il me caresse la joue de ses doigts ou bien encore les lèvres. Ses lèvres étaient gourmandes, j'avais envie de le goûter, de les mordiller de les lécher...

- Tu es de nouveau muette...

- Je ... c'est de ta faute !

- Ah ! et qu'ai-je fait pour te priver de la parole ?

Que lui dire ? Qu'il était tellement beau que j'en avais le souffle coupé ? Qu'il était tellement intense que je n'arrivais plus à respirer ? Qu'il m'inspirait tellement de mots qu'aucun n'arrivait à passer le pas de ma bouche ?

Il me regardait comme si les rouages de mon cerveau lui était apparent. Il pencha la tête légèrement sur le côté et sourit tendrement. Tendrement ? Je me faisais certainement des idées. Il reprit alors :

- Si tu veux bien demain retrouve-moi à la brasserie où l'on s'est rencontré. Je t'amènerai quelque part où tu pourras dire tout ce que tu n'oses pas dire.

Je hochais la tête sans trop savoir pourquoi, il sourit de plus bel. Son doigt quitta mon visage et son corps s'éloigna de moi. Je ne bougeai pas. J'avais l'impression que mon corps n'obéissait plus à mon esprit. Sa présence et sa chaleur m'ayant quittée je repris le contrôle et me dirigeai alors vers la porte de mes parents.

- Bonne nuit Betty, déclara-t-il d'une voix pleine de promesses, comme s'il avait deviné que désormais il hanterait mes rêves.

Je me retournais, il était appuyé sur le chambranle de sa porte d'entrée avec nonchalance. Je le saluais de la main et m'engouffrais dans la maison. Je filais discrètement dans ma chambre ne voulant pas croiser l'un de mes parents qui ne manquerait pas de me poser des questions sur mon état fébrile. 

Le lendemain je me réveillai en forme, finalement je n'avais pas rêvé ou alors je ne m'en souvenais pas. Quand arriva l'heure de mon rendez-vous avec Frédéric, je partis sans rien dire. De toute façon maman était partie s'occuper des enfants et papa devait travailler dans un coin de la maison. Frédéric était là. Installé sur la terrasse, je le vis soupirer de soulagement lorsqu'il me vit. Un grand sourire éclaira son visage. Son aura remplissait tout l'espace qui nous séparait. J'entrai dans sa bulle et fus submergée par une excitation nouvelle. Une boule au ventre d'appréhension mêlée au désir d'être avec lui, de voir ce qui allait se passer. J'en avais le souffle coupé. Lorsqu'il me prit la main pour m'approcher de lui et déposer un baiser sur la joue une nuée de papillon s'envola et je devins fiévreuse. Bon sang que m'arrivait-il ? Comment un homme pouvait me faire tant d'impressions ? Ma main dans la sienne brûlait et je n'avais aucune envie de l'y ôter.

- Tu es prête ? On y va.

Je hochais la tête me laissant guider.

- Tu es de nouveau muette ! rit-il, taquin.

Je levais les yeux au ciel et le suivis. Nous ne marchâmes pas très longtemps, il nous fit entrer dans la tour d'une entreprise. Il salua le réceptionniste qui nous sourit et nous indiqua l'étage où nous rendre. Un homme nous prit en charge, j'écoutais tout ce qu'il me disait sans vraiment comprendre ce que nous faisions là. On nous équipa et fit entrer dans une pièce circulaire avec au sol un sorte de grille. Frédéric me prit la main et me conseilla :

- Profite de ces quelques minutes pour évacuer tout ce que tu voudrais dire, personne n'entendra rien. Vide ton sac, pleure si tu veux. Ressens, vibre et lâche-prise.

Un énorme bruit fut suivi d'un vent violent venant de dessous nos pieds. Je décollai. Je compris alors que nous nous trouvions dans une soufflerie, dans un simulateur de chute libre. Je fis comme Fred avait dit insultant mon connard d'ex, pleurant sur mes conditions de travail, je criais aussi, vidant l'air de mes poumons. Durant toute l'expérience, Fred avait tenu ma main. quand je me sentis plus légère, j'ouvris les yeux et je rougis sous l'intensité du regard de cet homme. 

Bon sang ! Que m'arrivait-il ?


LovesittingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant