Corporellement parlant

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     Cela fait si longtemps que j'ai enfouis mes émotions et mes sentiments. Cela fait si longtemps que j'ai cessé de trop les voir, de trop les écouter. Je sais que ce n'est pas malin.
     Mais je ne pouvais rien faire d'autre pour me protéger. Me protéger de moi-même.
     Aujourd'hui je sais à quel point j'aurais eu besoin d'aide. À quel point je n'aurais pas dû me protéger de cette façon-là.
     Parce que la conséquence, c'est que je ne sais pas identifier ce que je ressens. Je sais que je ressens un truc, mais je ne sais pas mettre des mots dessus. Et puis parfois, c'est carrément que je ressens quelque chose et que je coupe l'émotion. Que j'appuie dessus pour la cacher, ne pas la voir, ne pas me laisser submerger.
     Je décris souvent mes émotions et mes sentiments comme un tsunami. Ou des tsunamis. Imaginez que parce que quelqu'un vous a dit « Je ne sais pas si je t'admire ou si je suis jaloux. » vous avez l'impression de vous prendre une claque. Une bombe. Ou un raz-de-marée. Au choix. Imaginez maintenant que vous êtes sujet à ce raz-de-marée tous les jours et potentiellement à n'importe quel geste, phrase, mimique, expression, attitude, comportement, contact physique de la personne en face de vous.
     Je confirme, c'est extrêmement dur à vivre quand on a pas appris à gérer ça, à détourner l'impact pour ne pas être sidéré, ou à comprendre ce que c'est, tout simplement.

     Si j'écris ceci, c'est aussi pour vous, lecteurs et lectrices. Parce que c'est un message important que j'essaye aussi de faire passer : ne vous privez jamais de ressentir, ne vous empêchez jamais de pleurer, quelque soit le lieu ou les circonstances, ne laissez jamais vos émotions derrière vous, parce qu'elles vous aident à savoir ce qui est bon, ce qui est juste pour vous.
     Je sais que cela peut être vraiment très dur à faire. Mais il le faut. Parce que dans des situations importantes, vous pourrez prendre alors la bonne décision. Et si après une situation intense en émotions, vous ne savez pas les gérer, vous souffrirez.
     Moi j'ai souffert. Beaucoup. Cela m'a même empêchée de dormir. Je ne saurais pas redire de mémoire ce que j'ai écrit, alors je vous le cite (et c'est vraiment ce que j'ai ressenti, et c'était tellement fort... C'était très dur) :

«  « Dans la nuit du onze au douze... » Attends, c'est pas du douze au... ? Bah, peu importe.
     Il est partout. Il est dans mes cheveux, dans ma tête, derrière mes yeux, sur mes lèvres. Je n'arrive pas à me rendormir. Il est presque sept heures. Je suis réveillée depuis cinq heures quelque chose. Et je suis crevée. Et en même temps pas du tout. De l'adrénaline peut-être ? Je ne sais pas.
     Mais je n'arrive pas à penser à autre chose. C'est trop énorme.  C'est trop trop. J'ai l'impression d'étouffer.
     Je comprends pourquoi j'ai tenté d'étouffer mes émotions. Mes sentiments. C'est tellement énorme. Je ne sais pas les gérer. Je me noie. Je souffre.
     Et pourtant... Pourtant moi qui n'avais jamais vécu ça avant. C'était tellement intense. Ça l'est toujours. J'ai l'impression de le revivre en boucle. Je revois ses yeux, son regard. Intense.
     Comment extérioriser ?
     J'aurais envie de hurler. Je voudrais me couper les cheveux pour ne plus ressentir ses mains. Je voudrais m'arracher le nez pour ne plus me souvenir de son odeur. Je voudrais dormir pour arrêter de me souvenir du contact de ses mains dans mon dos, ou de ses lèvres sur les miennes.
     Je pleure. Je pleure. Je pleure. Je suis tellement soulagée de pleurer. Je pleure.
     « I need a hero, to save my life ! »

(le jeudi 12 décembre 2019, environ 7h08)

     Je ne pensais pas qu'un être humain pouvait à ce point en marquer un autre. Je suis démunie. J'ai besoin d'en parler, mais à qui ? Je ne sais pas.
     Je me sens mal. Je ne me suis toujours pas rendormie. En même temps j'essaye de me détendre, de penser à autre chose, mais c'est peine perdue.
     J'ai des flashs. Ça revient sans cesse. Je suis prisonnière de mon esprit. Il me torture.
     J'ai peur. J'ai tellement peur.
     Je me sens bloquée. Coincée.
     Ça tourne sans arrêt. Ça revient sans que je ne puisse rien faire. Non pas que je veuille oublier. Mais c'est trop intense, c'est trop fort émotionnellement pour moi, ces flashs. Ils me poignardent. Et mon corps meure à chaque apparition.

(le jeudi 12 décembre 2019 à environ 8h37) »

     Voilà voilà... Je sais que si ce qui s'est passé ce soir-là m'a autant marquée, c'est aussi parce que je suis hypersensible et hyperesthésique (ça veut dire que les sens sont plus développés que la plupart des gens). Mais ne pas savoir ce qu'on ressent, quand on le ressent aussi fort, ça fait très mal. Très très mal.
     C'est pour ça que je dis de ne jamais cesser, de ne jamais vous empêcher de ressentir. C'est trop important de comprendre son corps et ses sentiments. On ne peut pas aller bien si il n'y a que la tête qui fonctionne. Votre corps, vos émotions et vos sentiments seront toujours là, avec vous, pour toute votre vie, même si vous ne voulez pas le voir ni le savoir.
     On a pas le choix.

     Alors je vous souhaite bonne chance, que vous alliez bien ou mal, que vous sachiez écouter vos émotions ou pas, que vous sachiez reconnaître vos sentiments ou pas. Parce que de toute façon, ressentir ce n'est jamais (ou rarement) simple.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 02, 2020 ⏰

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