Bonus

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Wiri wiri diari ndari*

-...Et si aujourd'hui je peux en parler, c'est grâce à ce courage que je décèle autour de moi. J'ai vu des femmes qui ont vécu pire que moi. Celle qui a perdu ses trois enfants et son mari lors du naufrage du bateau " le Joola ". Ou l'autre qui a fait 8 fausses couches. Ou bien même ce monsieur qui a vu ses enfants périr dans cet incendie sans pouvoir faire quelque chose. Les manières de gérer la douleur n'est certes pas la même mais mon malheur n'est rien comparé au leur. Ce collectif est d'un réconfort inimaginable. Vous m'avez ramené à la vie.
Ma petite fille est partie à la fleur de l'âge. Dans des conditions dont je ne veux même pas me souvenir mais je suis là moi. Aujourd'hui, plus que jamais j'ai décidé de VIVRE.
En plus Dalanda nous a envoyé une autre Dalanda. Elle est mon trésor et je l'aimerai jusqu'à la mort.

Ce que j'ai retenu durant ces longs mois c'est que : Tant de gens veulent mourir tandis que d'autres comptent leurs jours en espérant guérir mais la vie est courte dans les deux cas. Profitons de l'amour, des jours qui sont devant nous et de notre santé car un jour il sera trop tard. Voilà...

Yolande sourit à travers ses larmes. Tel un réflexe, ils se lèvent tous ensemble pour lui faire un câlin de groupe. Elle lit de la fierté dans leurs gestes mais surtout énormément d'affection.

Hélène, leur thérapeute lui prend les joues puis lui donne un bisou mérité.

-Tu es forte, lui souffle-t-elle.

Ils applaudissent tous en se rasseyant.

-C'est très bien Yolande. Alors ! Il y a eu beaucoup d'émotions aujourd'hui, nous allons arrêter la séance et je vous donne rendez-vous la semaine prochaine. Prenez soin de vous.

-Ciao Hélène disent-ils tous.

Yolande hèle un taxi, marchande avant de grimper.

Elle retire son poudrier et regarde le reflet que lui renvoie le miroir. Que voit-elle ? Le visage fin, les yeux enflés, le nez rouge, les joues flasques, la peau pâle quasi terne. C'est une autre femme. On dirait même qu'elle n'a pas 35 ans.

Quelques mois sont passés depuis le décès de Ramata. C'était cauchemardesque ! Pour elle, pour son entourage.

Crises de larmes
Crises tout court
Crises de panique
Crises d'angoisse
Crises d'insomnie
Crises de colère

C'était dur à digérer.
On l'a forcée à quitter son appartement. Elle est allée vivre chez Ndella qui, en plus d'une grossesse s'occupait d'elle. Maman Sophie passait ses journées à ses côtés et parfois des nuits à calmer ses nuits blanches.

Demba et Mayram faisaient leur possible pour honorer de leur présence mais chaque jour ils avaient plus honte à cause des agissements des membres de leur propre famille.

Un jour elle reçut la visite de la femme de Bashir, Aziza et sa mère. Demba les avait amenées. Elle était venue présenter ses condoléances. Yolande les accueillit comme tout autre invité puis sans qu'elle s'y attende, Aziza demanda à lui parler dans un lieu privé. Elles allèrent dans sa chambre.

-J'aurai dû venir depuis longtemps Yolande car Demba nous a tous fait part de la tragédie mais moi aussi j'étais dans un dilemme.

-C'est déjà réconfortant que tu sois ici. Tu as sûrement vu mon visage surpris quand tu es entrée. Je ne t'en veux pas du tout Aziza. Demba ne dit que du bien de toi et je sais reconnaître également les bonnes gens. Mais je te demanderai une chose, ne me parle pas de cette famille. Que ce soit ton mari ou le reste.

-D'accord. Comme je viens de te dire j'avais un problème. En effet, la nuit du décès Am... je veux dire mon mari était très agité, il ne cessait de se tourner et de se retourner dans son sommeil. Je te jure que c'était la première fois depuis longtemps qu'il prononçait vos prénoms à Dalanda et à toi. Je pense que c'était plus qu'un rêve, dans son esprit, dans sa chair il a senti la mort de sa fille. Il avait plus de force que d'habitude, sans se réveiller il faisait n'importe quoi. Pendant que je cherchais à l'aider il m'a poussé du lit et de toutes ses forces. Je suis tombée sur le ventre et j'étais enceinte Yolande... De 5 mois. Il ne m'a pas entendu geindre jusqu'à m'évanouir. Les autres aussi. C'est une mare de sang qu'ils ont vu le matin. Mon bébé est mort. J'ai dû accoucher pour sortir un enfant déjà mort et c'était le plus douloureux. Son corps s'était déjà formé et lui aussi a rejoint sa sœur. Ma mère m'a fait sortir de la maison et tous étaient d'accord pour que je divorce. Là, je suis chez elle et je ne te cache pas que je suis confuse, rester dans un mariage sans avenir ou construire le mien.

Cocktail molotov Où les histoires vivent. Découvrez maintenant