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Les yeux du prisonnier de la forteresse sans nom tentaient de percer l'obscurité de la cellule. Attaché au mur glacial par de lourdes chaînes retenant ses bras et ses jambes, il ne pouvait guère bouger que sa tête. Son visage était enfermé dans un épais masque de fer. Une sonde sophistiquée perçait son bras droit et lui injectait en continu une drogue afin de le maintenir dans un état de léthargie, ou lui envoyer une décharge au moindre signe d'énervement. Tôt ou tard, la porte de la cellule s'ouvrirait. Si la drogue ne l'empêchait pas de rester éveillé à ce moment-là, il pourrait à nouveau constater que la cellule comportait également une minuscule fenêtre close, dont on lui refusait obstinément l'ouverture. Ils avaient peur. Peur que quelqu'un l'aperçoive ou l'entende ? Dans cet endroit dont il ignorait tout, mais qui n'était certainement pas situé en plein centre-ville d'une mégalopole, il semblait pourtant davantage voué à l'oubli.

Il pensait aux villes visitées autrefois. Lui, originaire du Shanxi, appliqué dans ses études, rêvant enfant de devenir pêcheur ou explorateur, de mener une existence paisible et anonyme. Le parti communiste chinois lui avait interdit ce destin.

Un jour, dans une salle informatique de l'université, tous les ordinateurs s'étaient éteints simultanément. Quelque temps plus tard, alors qu'il sortait avec des amis dans un bar, le quartier entier avait été privé d'électricité. Puis lors de la cérémonie de remise de diplôme, tandis qu'il avait été désigné parmi les étudiants pour prononcer un discours, le micro dans lequel il parlait, ainsi que toute l'installation sonore, rendirent l'âme, devant un public et des techniciens gênés.

Peu de temps après ce dernier incident, un fonctionnaire vint lui parler. Ils déambulèrent le long du Bund shanghaien. L'homme lui indiqua connaître l'existence des trois étranges phénomènes dont le prisonnier avait été témoin auparavant. Il lui demanda de bien vouloir se rendre le lendemain dans un lieu de la ville, dont il lui donna l'adresse. Le prisonnier se rendit à l'endroit indiqué. Un gigantesque centre de recherches situé dans un sous-sol. Des scientifiques lui demandèrent de parler à voix haute, chanter, regarder la télévision, écouter la radio ou utiliser un ordinateur. Au bout de quelques minutes, une panne d'électricité toucha tous les appareils présents dans la salle de test. On lui fit refaire des tests similaires la semaine d'après, puis la suivante. Au bout d'un mois, on l'emmena dans un laboratoire situé non loin du volcan Kunlun. Placé dans une pièce équipée d'un sismographe, le fonctionnaire qu'il avait rencontré le premier jour lui tendit une photo. Récente. Il s'agissait de ses parents. Il lui reprit le cliché des mains et lui annonça que son père et sa mère croupissaient en prison depuis le début des tests. Le prisonnier le darda d'un regard de stupeur mêlé de colère. À cet instant, le sismographe enregistra des vibrations inhabituelles. Certains hommes en blouse blanche observaient l'appareil avec effroi. Au bout de quelques minutes, l'un d'eux fit un signe au fonctionnaire. Ce dernier déclara alors au jeune homme que les tests étaient désormais terminés et que ses parents allaient bien. Il se calma et l'aiguille du sismographe revint vers des standards normaux.

Le lendemain, le fonctionnaire et le prisonnier embarquèrent à bord d'un avion posé dans un aéroport privé. Six militaires les accompagnaient dans l'appareil. Assis en face de lui, le fonctionnaire lisait un journal. En première page, le prisonnier put lire que la veille, pour la première fois depuis 2008, un séisme de magnitude 7,2 avait ébranlé le volcan Kunlun et ses alentours.

Après un long voyage, ils finirent par atterrir à Harbin. Un grand van escorté par des voitures de l'armée attendait les passagers au pied de l'avion. Ils prient la direction du centre-ville, vers le Collection Restaurant. En entrant dans l'établissement, le prisonnier ne remarqua aucun client, hormis un militaire attendant à une table. Le fonctionnaire lui intima de s'y asseoir. Le militaire proposa une cigarette au prisonnier qui accepta. Puis il déclina son identité. Il s'agissait du général Lee Gao, responsable national de la Recherche. Il lui indiqua que ses parents étaient bien traités et qu'il consentait à les relâcher si le prisonnier se mettait à son service. Lequel n'eut d'autres choix que d'accepter la proposition.

Planète (tome 1)Where stories live. Discover now