Lundi 12 Septembre 2018, 22h03.
Cela faisait maintenant plus d'une heure que l'infirmière en chef des urgences tentait par tous les moyens de tirer les vers du nez d'Aaron. Ce dernier, installé sur un lit, était recouvert de bandages et regardait fixement un point dans le vide, refusant catégoriquement de parler. Après une nouvelle série de questions restées sans réponses, elle abandonna l'idée et laissa le jeune seul sur son lit. Erwan, plus loin dans un couloir, raccrocha pour la cinquième fois son téléphone, cachant mal sa colère. Il retourna vers son élève qui, toujours immobile, observait les allées et venues des urgentistes, silencieux.
Il y a encore quelques heures, lors de leur entretien plutôt... musclé, le professeur s'était persuadé que le problème d'Aaron venait certainement de sa famille, mais il se trompait. Il serra les poings, son sang bouillant à l'intérieur de ses veines. Même s'il savait qu'il n'aurait jamais pu prévoir une telle chose, il se sentit coupable de n'avoir rien pu faire. Aaron était l'un de ces élèves désormais et il était vraisemblablement menacé par quelqu'un. Depuis qu'il l'avait amené ici, incapable de s'occuper de ses blessures aussi nombreuses que douloureuses, le jeune brun n'avait pas décroché un seul mot, se murant dans un mutisme inflexible. Inspirant un grand coup, il calma ses ardeurs. S'il voulait le faire parler, découvrir qui le menaçait et pourquoi, il allait devoir s'y prendre autrement et ne pas refaire la même erreur. Erwan tira une chaise qu'il installa juste en face d'Aaron :
- J'ai essayé de joindre ta mère mais personne ne répond chez toi... Tu pourrais me donner son numéro de portable ? Il n'était pas sur les dossiers de l'école...
Le brun baissa la tête, toujours muet. Le professeur posa une main sur le bras du plus jeune qui trembla à ce contact :
- J'essaye juste de t'aider Aaron... Je n'veux pas que ce qui s'est passé ce soir se reproduise, tu comprends ?
Il se passa plusieurs secondes, une minute, puis deux et un lourd silence planait toujours entre les deux hommes. Erwan comprit que le jeune ne lui apporterait rien de plus et s'affaissa sur le dossier de sa chaise en soupirant. Pour la première fois, il se retrouvait dans une impasse. Comment devait-il s'y prendre pour délier sa langue ? Comment pouvait-il trouver le nom de son ou ses agresseurs ? À court d'idées et exténué par cette journée riche en émotions, le professeur se leva et lança en enfilant sa veste :
- Bon... Tu restes ici pour cette nuit. J'irais voir la directrice demain pour lui dire ce qu'il s'est passé et-
C'est alors que, pour la première fois depuis qu'ils avaient franchit les portes des urgences, le jeune garçon aux cheveux d'ébènes ouvrit la bouche et hurla dans le hall d'hôpital :
- NON !
Erwan, qui était sur le point de s'éloigner, sentit quelque chose attraper sa veste avec vigueur et le tirer en arrière. Manquant de tomber il se retint au lit de justesse et se redressa pour faire face à Aaron qui lui lançait un regard tout aussi sombre que ses cheveux. Le jeune, tenant dans sa main le tissu de cuir, empêchait son aîné de partir. Le professeur, encore choqué par sa réaction, se calma bientôt reprenant doucement :
- Aaron il faut qu'on-
- NON ! Coupa le jeune une nouvelle fois tout en serrant la prise qu'il avait sur la veste de son vis-à-vis.
Erwan s'installa sur le bord du lit, l'air inquiet, lorsqu'il se rendit compte que les mains, les bras, le corps du jeune brun étaient secoués de tremblements. Incapable de lâcher sa proie, le jeune homme continua de vociférer.
- FAUT RIEN DIRE, FAUT RIEN DIRE ! SI JAMAIS IL L'APPREND IL VA-
- Du calme, du calme ! S'exclama Erwan en prenant le jeune par les épaules. Regarde-moi, oh ! Regarde-moi !
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Les chaînes de son passé / T1 - [BxB]
RomansaComment sauver quelqu'un qui ne souhaite plus rien ? Jeune enseignant, Erwan est un passionné. Étudiant discret, Aaron est un solitaire persécuté par la majorité des homophobes du lycée. Mais cette rentrée sera bien différente des autres nos deux p...