Fragilité

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Jeudi 15 Septembre 2018, 20h52.

Erwan se figea, il ne pouvait pas s'échapper par la porte et choisir la fenêtre, située à plusieurs mètres au dessus du sol, s'apparentait plus à un suicide qu'à une fuite. Il ne lui restait donc que quelques instants pour trouver une cachette digne de ce nom dans ce bureau presque vide. La voix de la directrice résonna à l'extérieur :

- Oui ne vous inquiétez pas la situation est sous contrôle...

Madame Debègue, un téléphone portable collé à son oreille, traversait les couloirs désert de son lycée d'un pas rapide. Elle arriva devant la porte de son bureau, qu'elle avait abandonné quelques minutes auparavant et l'ouvrit sans attendre.

- Ne vous inquiétez de rien Monsieur, personne n'y a accès...

Le petite brune repositionna ses lunettes sur l'arrête de son nez et sortit d'un geste discret, une petite clef qu'elle portait en permanence autour de son cou. S'approchant de l'armoire métallique dans laquelle Erwan avait fouillé quelques instant plus tôt, elle vérifia que cette dernière était bien fermée et glissa la clef à l'intérieur de la serrure la verrouillant d'un mouvement furtif.

- Je vérifie toujours derrière-moi, continua-t-elle au téléphone.

Elle saisit la hanse de sa sacoche de cuir qu'elle avait sans doute payé une fortune et se dirigea vers la porte d'entrée.

- J'ai toujours la clef sur moi... Oui... Oui Monsieur... Parfait !

La conversation téléphonique visiblement terminée, elle raccrocha et abandonna le combiné dans la poche de son tailleur, jetant un dernier coup d'œil derrière elle. La directrice éteignit finalement la lumière et sortie, enfermant Erwan à l'intérieur de la pièce.

Ce dernier, caché sous le bureau, ne reprit son souffle qu'après que les talons de la petite brune soit totalement hors de portée. Il avait craint que la directrice n'entende les battements de son cœurs, cognant dans sa poitrine comme des tambours de guerre. Erwan sortit finalement de sa piètre cachette, tentant de calmer son pouls en inspirant de grande bouffées d'air. Préférant laisser la pièce dans le noir, de peur de se faire repérer il s'approcha de la fenêtre qui était désormais sa seule issue.

Regardant le sol qui paraissait à plus de milles lieues de lui il soupira, imaginant sans peine l'état de ses jambes s'il sautait de cette hauteur. L'enseignant se donna du courage en se disant qu'il serrait dans un état bien pire si la directrice le trouvait dans son bureau le lendemain matin et ouvrit la fenêtre plus déterminé que jamais. Jetant son sac par-dessus le rebord en béton il se pencha pour estimer la distance et s'aperçut pour son plus grand bonheur que la fenêtre d'en dessus n'avait pas été fermée. S'asseyant sur l'étroite margelle, comme un homme prêt à faire le grand saut, il rabattit les vitres du bureau de la directrice autant qu'il pu. Une fois à peu près satisfait, il se motiva tant bien que mal et se laissa glisser le long de l'arête en ciment pour finalement se retrouver suspendu au dessus du vide. Évitant de regarder les graviers, qui plus bas ne semblaient qu'attendre sa chute, il se balança lentement parvenant à se projeter à l'intérieur de la classe de l'étage inférieur. Se redressant en vitesse, surpris par son propre exploit, il se retint de pousser un hurlement de joie. Erwan s'accorda une petit minutes de pause, se laissant le temps de ré-apprivoiser son cœur. De peur de se faire surprendre par quelqu'un dans les couloirs désormais désert il décida de répété le procédé. Une fois calmé, il recommença l'opération, n'étant plus qu'à 2 ou 3 mètres du sol. Lorsqu'il lâcha prise pour la deuxième fois, le jeune enseignant se crispa en sentant ses genoux se plier brusquement, roulant lourdement sur le sol. Restant une bonne dizaines de minutes immobile, le professeur d'histoire dû retenir un éclat de rire se rendant finalement compte à quel point il était inconscient.

Les chaînes de son passé / T1 - [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant