La pièce était petite, confinée. D'un coin de celle-ci s'échappait un petit air de musique fredonné avec entrain. Joyeux, il virevoltait contre les murs et rebondissait sur la fine couche de poussière qui recouvrait le sol.
L'air était emprunt d'une douce fragrance de fleurs. De la lavande mélangée à de la menthe nettoyait l'air de ses impuretés.
Le petit garçon était assis par terre, un chiffon entre les mains. Les joues gonflées pour donner plus de force à sa chanson, la tête se balançant de gauche à droite en rythme, il s'appliquait à plier le tissu dans une forme élaborée. Il toussa.
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Ses pas claquaient contre les pierres. Chacun d'entre eux résonnait dans les ruelles, tel un tonnerre.
Il avait les narines en feu. Les poumons aussi. Ils piquaient. Le clou de girofle et le thym contenus dans son masque commençaient à perdre de leur attrait du début. Ils n'étaient maintenant que corvée. Torture. Chaque inspiration lui anesthésiait un peu plus les narines.
Sa cape volait autour de lui. Il en jouait presque, en souvenir des danses qui avaient lieu sur cette place, à cette période. Avant. Il tournoya sur lui-même. Claqua des talons. Fin de la fête.
Sa cape lui tenait chaud.
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« Carnevale, ti sto aspettando. » (Carnaval, je t'attends) murmura-t-il. Ses yeux pétillaient.
Il avait dans les oreilles le souvenir des instruments qui dansaient.
Dans ses narines flottaient les vestiges d'une odeur de sucre et de gâteaux.
Il ressentait dans son cœur les vibrations de la foule qui l'avait secouée, quelques années auparavant.
En fermant les paupières, il revit les couleurs étincelantes qui explosaient comme des bombes de peinture à chaque coin de rue.
Il se laissa happer par ses souvenirs. Il n'en avait pas beaucoup. Il n'était pas très grand au dernier carnaval. Mais il se nourrissait de chacun des détails qui lui revenaient.
Ce n'était qu'un grain de sable pour sa petite mémoire d'enfant, à l'époque. Il s'efforçait d'en faire une plage.
Les garçons, déguisés en clowns, envoyaient des œufs pourris sur les filles qui n'étaient pas à leur goût et d'autres remplis d'eau de parfum sur celles qu'ils trouvaient belles. Les gens de toutes parts participaient à un immense spectacle, cachés derrière des masques qui leur permettaient tous les déboires. Leurs langues se déliaient.
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Le silence était à la limite du soutenable. Aucune mouette, aucune voix. Pas de chant, pas de musique. Seule une toux se fit entendre. Il soupira. Il rêva que Carnaval revît le jour. Au bout de la rue, il entendit un rat couiner. Il venait probablement de trépasser.
Il s'approcha du corps. Il était couvert de pustules. Il était crasseux et les poils étaient collés par le sang. La mort était toute récente, mais l'animal avait une hygiène tellement médiocre que l'odeur qui se dégageait de son corps alla jusqu'à traverser celle de fleurs qui l'empêchait pourtant généralement de sentir quoi que ce soit d'autre.
Il eut un haut-le-cœur. Détourna le regard. Reprit sa route pour mettre de la distance entre lui et l'être misérable qui se trouvait à ses pieds.
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Petites Histoires
Short StoryComme son nom l'indique, cette histoire est remplie de plusieurs petites. J'en écris trop pour les séparer, mais impossible de ne pas vous les partager. Alors si vous souhaiter lire des nouvelles d'amitié, de vengeance, de destin et de bien d'autres...