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Inconsciemment, mes doigts battent le rythme sur la petite table de bois. En face de moi, Paul me détaille sans pudeur. Je fais mon possible pour ne pas croiser son regard. Il me met mal à l'aise. Cette journée un un cauchemard à n'en point douté.
Tissia et John ne seront pas là avant quinze bonne minutes si ils ont vu mon SMS.
Va savoir avec ces deux cochons...
Il faut qu'ils viennent. J'ai besoin de les voir et de sentir qu'ils me protègent.

Je fais souvent le sage, je donne l'image du rigolo sûr de lui alors que c'est totalement faux. Les brimades et humiliations subies dans mon enfance ne sont pas un lointain souvenir. Elles m'accompagnent chaque jour, chaque seconde.
Dans le regard des inconnu je me revois enfant, terrorisé à l'idée de faire un pas de travers. De regarder la mauvaise personne et de recevoir un sourire narquois en retour. le genre de sourire qui annonce le début d'une atroce journée pleine de coups et d'insultes.
Jouer la comédie.
Sourire pour ne pas montrer sa peur. Lever la tête haut pour tenir les larmes à distance. Rire pour ne pas pleurer.
Avant Tissia et son assurance je n'étais rien du tout. Sans elle je ne sait pas si j'aurais tenu. Sans elle je ne sais pas si je suis capable de vivre. Mon point d'ancrage, mon phare, ma ceinture de sécurité...La femme de ma vie.
Un soupire de Paul me sort de mes pensées. Il est mal à l'aise et se tortille sur sa chaise.

"Je ne veux pas te faire de mal. Quand je te regarde perdu et terrorisé je réalise à quel point mon idée etait stupide, pourtant je n'arrive pas à regretter. Je n'ai rien contre toi Tristan, toi aussi tu semble être quelqu'un de bien mais je suis fatigué. J'en peux plus de vivre dans la peur et l'incertitude. "

Je ne reponds pas. Je n'ai plus envie de parler avec ce malade mentale. Dans le café personne ne semble réalisé qu'un fou est parmis nous. Il y a des couples qui badinent, des étudiants qui travaillent en profitant du wifi gratuit et au milieu il y a moi. J'ai envie de le détester. J'aimerais pouvoir me lever et l'attraper par le col de son T-shirt pour lui foutre mon poing dans la gueule. J'aimerais ne pas lire autant de tristesse et de désespoir dans ces yeux. Pourquoi est-ce qu'il ne se contente pas de jouer son rôle de dingue. Il pourrait avoir de petits yeux de fouine à la place de ses orbes brillantes de larmes. Et puis ce visage angélique ne colle pas du tout à l'image de l'assassin froid qu'il est censé être. A la façon dont ses main tremble sur le bord de la table j'ai l'impression que c'est moi le bourreau, le sociopathe qui traumatise sa proie. Je deteste le rôle qu'il me fait jouer.

" Comment est-ce que tu connais Robert?
Surpris par ma question, sa tête se penche légèrement vers moi comme si il n'etait pas certain de m'avoir entendu.

-Il a travaillé sur un chantier dans ma boîte dit-il un petit sourire nostalgique au coin des lèvres. Je suis chargé de projet dans l'informatique. Quand je l'ai vu entrer avec son T-shirt blanc cintré et son pas déterminé j'ai craqué avant même de voir son visage. Il dégage une énergie positive irrémédiablement attractive. C'etait il y a quatre ans. J'ai passé deux semaines à essayer d'attirer son attention avant d'oser lui parler. Je suis franchement un homme extraverti.
Son petit rire timide fissure le masque stoïque que je m'étais fabriqué. Il semble si fragile quand il parle de John.
-Je sais que je te dégoûte mais je l'aime et je n'y peux rien. Je ne te demande pas de m'aimer ou de m'accepter, je me doute que ce n'est pas..

Ses mots me frappe avec une force démesurée. Mais pour qui il me prend? Il me fait passer pour le monstre de son histoire. Ok ce type me fait de la peine. Ok, je vois qu'il souffre de la vie qu'il s'est lui même inventé. OK il est malade mais là il dépasse les bornes. Hors de question d'entrer dans son jeu. Sois un homme Tristan!

-Mais qu'est-ce que tu racontes encore? Je n'ai aucune raison de t'aimer ou de te détester puisque tu ne fais et ne feras jamais parti de ma vie. John n'est pas Homo! Tu es amoureux? Grand bien te fasse! En quoi ça me regarde serieusement me mis-je à crier.

café crèmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant