Qu'est-ce qu'on est bien, emmitouflé dans sa couverture ! Je ne connais pas meilleure d'endroit... En plus, je viens de faire un rêve merveilleux: je volais dans le ciel, accompagnée d'angelots que chantaient et riaient en faisant une ronde autour de moi. Je voudrais retourner jouer avec eux. Je vais essayer de me rendormir.
Sur cette pensée, je me tourne dans mon lit avec un soupir de plaisir pour m'étaler sur le ventre. Du bout des doigts, je caresse l'étouffe du lit. Je sursaute. Quelque chose cloche: cette texture de draps ne m'est pas familière. J'ouvre difficilement un oeil. Puis éblouie par la lumière du soleil, je me redresse pour me frotter les yeux.
Effectivement, ce n'était pas mon lit. Somptueux, mais inconnu au bataillon. Et au-delà: une prairie en fleur, qui s'étendait à perte de vue. Un vieil homme élégamment vêtu avec son veston et sa barbe bien coupé se tenait aux pieds du lit. Il m'étudiait avec un sourire en coin.
- Bienvenue dans votre chambre, mon enfant. Je me présente: je suis le maître d'hôtel.
"Ah ! Je dois encore rêver", ai-je pensé
- C'est absurde ! dis-je d'un air faussement dubitatif. Nous sommes en pleine nature, pas dans une chambre !
- Vraiment ? répond-il d'un air moqueur, Alors que fait ici cette porte ?
Le vieil homme pointe du doigt un endroit d'où surgit du sol une porte gravée des chiffres d'or 403. Quand celle-ci s'ouvre, j'aperçois la porte d'en face, numérotée 404.
- Ce doit être un très grand hôtel ! me suis-je exclamée
- Vous n'imaginez pas combien ! renchérit le maître d'hôtel
- Je plein les femmes de ménage ! Dis-je ironiquement
- Rassurez vous là où nous sommes la poussière ne passe pas, répond-il mystérieux
- C'est vrai qu'une prairie nécessite peu d'entretien.
- Une prairie ? De quoi parlez-vous mon enfant ?
Le vieil homme claque des doigts et alors le sol disparaît. Je me tiens aux barreaux métalliques du sommier de toutes mes forces tandis que nous sombrons dans une crevasse obscure.
- Eh bien mon enfant, pourquoi criez-vous ainsi ? Votre chambre ne vous satisfait pas ? Demande-t-il l'air sincèrement ennuyé tandis qu'il faisait des mouvements de brasse autour du lit.
- Ce rêve ne me plait pas du tout ! Ai-je hurlé
- Mais vous ne rêvez pas très chère !
- Peu importe, arrêtez ça !
L'atterrissage me projette du lit dans un grand fracas et m'arrache un nouveau cri. Dans l'obscurité totale, j'entends un craquement d'allumette puis le sourire ridé du maître d'hôtel réapparaît éclairé par un bougie.
- N'avez-vous toujours pas compris mon enfant ? questionna-t-il
- Qui y a-t-il à comprendre ?
- M'enfin vous êtes décédée très chère !
- Rien d'étonnant après une chute pareille ! dis-je d'une voix pleine de reproches
- Rassurez vous, vous êtes immortelle à présent !
- Votre discours est contradictoire !
- Vous comprendrez bien assez tôt...
- Que vous êtes fou ? Assurément j'ai bien compris !
- Je ne suis pas fou, je suis maître d'hôtel !
- Vous radotez.
- C'est que vous ne semblez pas comprendre.
- Comprendre quoi ? Ai-je demandé très agacée
- Que vous êtes au paradis !
- Allons bon ! Je ne suis plus dans un hôtel maintenant ?
- Un hôtel paradisiaque si vous préférez...
- Eh bien je n'en veux pas de votre "hôtel paradisiaque" ! Je veux rentrer chez moi.
- Qu'il en soit ainsi.
Le maître d'hôtel souffle sur sa bougie, me laissant dans le noir complet. Puis des lumières s'allument ça et là, l'une après l'autre, pour illuminer un modeste studio. L'endroit m'était inexplicablement familier. Le vieil homme est installé dans un sofa sous un lit en hauteur et sirote son thé.
- Êtes vous satisfaite à présent ?
- Nous n'avons pas quitté ma chambre d'hôtel, n'est-ce pas ?
- En effet.
- Alors non ! Laissez moi sortir !
- Bien.
La porte 403 réapparaît.
- Et ne me suivez pas ! dis-je d'un ton menaçant avant de fermer la porte derrière moi.
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La chambre 403
General FictionPour me changer les idées quand je déprime et que le marchand de sable se fait attendre, je m'imagine gommer le monde qui m'entoure et moi-même, pour repartir à zéro et créer un monde parfait à mon sens.