Entre les mailles

Chapitre 6 - Accident -

Tout le matériel que Nora avait demandé avait été chargé dans un scaphe rapide et un pilote l'attendait.

— Nous descendons à la station N° 3 le plus vite possible. Il faudra que je sorte, lui dit-elle sans même le regarder en gagnant sa place.

— Bonjour Madame, je m'appelle Erwan. Nous pouvons être sur site dans une heure et demie, mais même en procédure de compression rapide vous ne pourrez pas espérer un mode extravéhiculaire avant trois heures.

— Merci.

Nora se sentait prise en faute, elle qui avait le matin même reproché à Georges son manque de considérations pour les marins. Son équipe, composée des meilleurs techniciens, était déjà en route. Ils avaient de quoi faire une réparation de fortune en attendant de reconstruire la station. Mais il allait falloir comprendre les causes de l'accident et ce serait long et éprouvant, car pendant tout ce temps elle ne pourrait que penser que d'autres incidents ou pire pourraient se déclencher. La moitié des panneaux avaient été repris et étaient de nouveau en fonctionnement. Elle avait eu Georges et Walter au téléphone quelques minutes plus tôt et avait cédé devant leur exigence à redémarrer la production. Il fallait qu'elle se détende pour être efficace tout à l'heure. Elle décida de profiter du temps de descente pour faire le vide. Elle observa autour d'elle. Il n'y avait rien pour lui changer les idées. Tout l'espace était pris par les instruments et par le matériel qu'elle avait fait embarquer. Bientôt, il ferait complètement noir dehors, mais elle n'avait pas la place dans son fauteuil pour s'installer à dormir. La lumière des écrans de contrôle se reflétait sur Erwan. La procédure était très simple pour lui, mais il faisait mine d'être concentré. Il savait qu'il transportait la conceptrice du Filet. Il était impressionné par ce que pouvait accomplir la volonté humaine. L'accident qu'ils allaient réparer ne changeait rien à l'ampleur de la réalisation. Nora l'observait à la dérobée. Cet homme était serein malgré les mouvements incessants de ses yeux et de ses mains. Il se doutait que la mission allait être dangereuse. Les imprévus à grande profondeur sont toujours périlleux. Pourtant, rien ne semblait l'atteindre. Son calme la pénétrait.

— Erwan, vous êtes un nautique n'est-ce pas ?

— Oui, Madame. Comment l'avez-vous deviné ?

— Je pense que seuls les Nautiques sont capables de descendre sans chercher à percer les ténèbres.

— La probabilité de voir quelque chose, phares éteints, est quasi nulle. C'est peine perdue, répondit-il, étonné.

— Vous avez raison, mais malgré les années je ne peux pas m'empêcher de chercher, de scruter. C'est plus pour me rassurer que je ne suis pas devenu aveugle qu'autre chose. Enfin, je crois ! Et comment se fait-il que vous soyez avec nous en ce moment ?

— C'est très simple j'ai convoyé le foreuscaphe que l'Atlantique Nord vous a prêté. J'ai fait la formation de votre personnel et en particulier de Tim le pilote qui était dans la station... dit-il en laissant mourir sa voix.

Le scaphe craqua violemment, et Nora sursauta. Erwan n'avait absolument pas réagi. Il semblait n'avoir rien entendu malgré la force du bruit.

— Ce n'est rien, Madame, nous descendons beaucoup plus vite que nous n'accordons notre pression. La structure interne s'adapte aux déformations de la coque du scaphe. Il est conçu pour supporter une pression différentielle de 500 atmosphères. On aurait pu plonger jusqu'à la station et demeurer à un seul atmosphère, comme en surface.

Nora savait tout cela bien sûr. Cependant, il était toujours rassurant de l'entendre.

— J'ai contrôlé ma descente avec les échophares des stations restantes. Voulez-vous que nous arrivions directement sur site ou par une nage horizontale ?