La campagne pour les élections de fin d'année battait son plein. Les vidéomeeting se succédaient, les réunions sur le réseau permettaient à chacun de poser ses questions aux candidats. Andréa Lancaster ne ménageait pas ses efforts pour ce scrutin, multipliant les rendez-vous et engrangeant des soutiens dans les corpos, chez les artistes. C'était une lutte d'influence ou les résultats de la législature précédente n'étaient en rien suffisants. À cinquante-trois ans, Andréa faisait de la politique depuis trente ans. Voire plus si l'on considérait son implication étudiante dans les jeunesses du PPNA, le Parti Pour le Nord Atlantique. Avec tous ses mandats, elle avait été une figure connue avant même sa première élection de coordinatrice générale d'Atlantique Nord. Cependant, son succès dans les urnes n'était absolument pas gagné. Le représentant du PP, le Parti de la Pérennité avait récolté des soutiens importants dans les médias et sur les réseaux d'influence. De nouveaux artistes populaires avaient clairement fait part de leur soutien. Mais, plus grave pour Andréa, le SAAN semblait également sur le point de basculer son soutien vers le PP. Les récentes discussions avec le comité central du SAAN avaient été houleuses. Andréa avait du mal à justifier l'inertie du gouvernement pour répondre aux demandes répétées du syndicat quant à l'ouverture d'une enquête sur l'impact des Filets à éléments. Elle avait bien sûr mis en avant le fait qu'il s'agissait de diplomatie et qu'une instruction n'était possible qu'avec l'accord des États-Unis. Elle avait fait part de la lenteur du temps diplomatique et elle avait fait part du besoin de construire un soutien à l'ONU pour que l'enquête ait une chance d'être appuyée. Mais les dirigeants du SAAN n'étaient pas dupes. Ils n'avaient pas mené de campagnes médiatiques intenses comme ils auraient pu. Le SAAN était traditionnellement un syndicat prônant la concertation et le compromis et non pas le conflit. Andréa avait d'ailleurs fortement compté là-dessus en espérant repousser la décision à après les élections. Elle avait du reste laissé entendre que le gouvernement travaillait diplomatiquement avec l'ONU et les États-Unis pour trouver un accord, mais que bien sûr un changement de gouvernement en Atlantique Nord ralentirait d'autant le processus. Elle avait donc insinué que le PPNA était de parti qui permettrait de régler au plus vite la crise que semblait représenter le Filet pour le SAAN et ses membres. Mais le secrétaire général du SAAN était aussi fin politique qu'Andréa, et il lui avait bien fait comprendre que l'excuse diplomatique ne tiendrait plus longtemps. C'est pour cela qu'Andréa avait finalement remis officiellement la demande d'enquête internationale à l'ambassadeur des États-Unis et à l'ONU simultanément. Elle pensait que cela lui permettrait de démontrer son action positive dans cette crise et donc son implication pour conserver le soutien de la SAAN. Mais le secrétaire général et son comité n'étaient clairement pas convaincus comme le montraient leurs récentes déclarations. Elles étaient des soutiens à peine masqués au PP. Andréa devait agir d'urgence pour que l'influence du comité central ne se diffuse pas dans les bureaux locaux du SAAN.
Ainsi elle avait commencé depuis plusieurs semaines une tournée de tout l'Atlantique Nord pour visiter les délégués régionaux. Son image médiatique n'était plus suffisante. Elle devait montrer aux électeurs qu'elle était dans les stations avec eux. Qu'elle venait voir leurs besoins, les écouter, les comprendre ! Elle avait expliqué sa décision de prendre la mer plutôt que de travailler par téléconférences comme un symbole de son attachement à chacun et de son souhait de ne pas s'intéresser uniquement au sort de Corum. Elle parcourait l'Atlantique Nord en tout sens à bord d'un scaphe rapide, optimisant les déplacements. Il s'agissait surtout de limiter les variations de profondeur entre deux étapes. À quoi servait-il d'avoir un scaphe rapide si elle ne pouvait entrer dans les stations à cause des différences de pression qui pouvaient prendre des jours voir des semaines à égaliser ? Elle avait donc déjà traversé l'océan plusieurs fois du nord au sud et d'est en ouest. Elle était maintenant de retour à Corum après avoir fait la tournée des stations peu profondes, et repartirait bientôt pour les villes des abysses.
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Entre les mailles
Science FictionPendant des siècles, l'humanité a subi les coups de boutoir d'une météo déréglée par le changement climatique. La société s'est transformée face à l'évidence. Certains se sont enfoncés sous les flots pour se soustraire à la fureur des éléments, créa...