Ce qui fait loi

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Rien. Plus rien dans les rues. Rien dans l'épicerie en bas de chez moi. Je passe à travers les rayons récupérant quelques conserves, pas trop, il en faut pour les autres. Les prix ont augmenté aussi. Depuis un mois, la Corée du Sud a bloqué une partie de nos principaux canaux d'import-export, on ne peut plus se ravitailler que par le Pacifique, ce qui prend un temps fou et reste dangereux.

Je passe à la caisse après avoir attendu une bonne trentaine de minutes. Il y a six mois, je m'en serais étonné, mais maintenant, c'est mon quotidien. Le clochard en bas de chez moi que je croisais en costume dans le métro avant, c'est aussi mon quotidien. Cette femme qui peste et repose une partie de ce qu'elle voulait acheter, aussi.

Le vieil homme passe mes articles au scanner et me regarde avec un petit air désolé.

- Vous avez de la chance, à cette heure d'habitude, on est fermés.

- Si tôt que ça ?

- Quand on a plus rien à vendre ça ne sert à rien de rester ouvert, c'est de la climatisation gâchée.

Car il fait chaud, très chaud dans un Tokyo qui brûle au centre d'un pays en feu. La canicule et les sécheresses ne nous épargnent pas, et avec le peu de nourriture à notre disposition, le nombre de morts chez les personnes âgées et les enfants est supérieur à celui des années précédentes. Je le remercie lorsqu'il me rend ma monnaie. Même pour moi qui ai pourtant un salaire plus que correct, vivre comme avant est difficile, voire impossible. Plus de cinéma, de sucreries pour le plaisir, de fleurs pour ma mère lorsque je passe la voir. Je vis bien, mais j'ai vite compris que mon train de vie devait clairement se ralentir si je ne veux pas me retrouver en déficit.

Je sors enfin de la petite épicerie, l'air chaud me happe, s'insère dans mes poumons. Il est si lourd, j'ai déjà l'impression d'étouffer. Mais ce n'est pas le seul problème. Dès que je met un pied dehors un cri m'interpelle.

- AU VOLEUR !

Mon sang ne fait qu'un tour et mon alter s'active immédiatement. Aujourd'hui l'utiliser à 100% et le réguler comme je veux ne m'est pas impossible, loin de là. J'analyse la scène autour de moi et vois en effet une jeune femme courir dans la direction opposée à la mienne. Une vielle dame est à terre et suante, des gens se regroupent déjà autour d'elle. Sans lâcher mes courses je cours vers la fuyarde en prenant garde aux passants, je la rattrape facilement et la suis même quand elle commence à escalader les murs. Elle doit avoir un alter ventouse, ça la ralentit énormément. Dès qu'elle arrive sur le toit, je l'immobilise. Ce n'est pas une vraie vilaine, elle ne résiste pas et ne sait pas vraiment se servir de son alter. Je lui reprends le sac qui n'est clairement pas à elle tout en lui maintenant un bras derrière le dos, je suis en civil je n'ai rien pour l'attacher.

- Bien, on va faire un petit tour au poste. Mais avant vous allez demander pardon à la propriétaire de ce sac.

- Vous avez vu comment elle était habillée ? C'est elle qui nous vole ! Quelques billets en moins ne lui feraient rien...

Voici la belle nouveauté de la guerre. Le manque de nourriture et l'inflation des prix appauvrit vraiment la capitale. Les délits se multiplient de jour en jour, cachant facilement les vrais criminels qui s'en donnent à coeur joie. Ce n'est pas une exagération quand je dis que je ne peux plus sortir de chez moi en civil sans me retrouver à donner un coup de main.

- Je sais... mais ce n'est pas une solution, la preuve en est.

- Alors c'est quoi la solution ?! Je fais comment, moi, pour nourrir mon mari et mon gosse ?

Je ne réponds rien. Je ne sais pas, vu comment elle est habillée et avec le sac à dos qu'elle a avec elle, je peux parier qu'elle sort de son travail. Je ne peux rien faire pour elle... C'est vraiment frustrant et faire mon métier devient difficile. Je suis là pour empêcher les gens nuisibles de se servir de leurs alters, pas pour appliquer une loi stupide sur des citoyens qui crèvent de faim.

Para Bellum [MHA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant