Ce qui restera

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Ça y est, nous menons la guerre. Un an et six mois après la reprise d'Osaka lancée par notre assaut quelque peu désespéré, le Japon empiète sur le territoire coréen. Plus de combat sur notre territoire, plus de morts de civils japonais. J'aurais voulu m'arrêter là, poser les pieds sur la frontière et hurler "Stop, nul besoin d'avancer plus ! Nous sommes en sécurité !". Mais personne ne m'aurait entendu. Et pourtant, nombreux sont ceux qui veulent cesser le feu, n'étions nous pas censé simplement nous défendre ?

À la place, nous marchons, seuls, courbés de honte dans les allées d'un autre village fantôme. Une petite vieille en nous voyant passer ferme sa fenêtre et rentre précipitamment, seuls les plus âgés sont restés, ils n'ont pas pu s'enfuir. Lors de
nos escales, ce sont souvent ces gens que l'on menace et force pour récupérer des vivres. Des pillards. Voilà ce que nous sommes devenus. Il est terrible de faire vivre à des innocents ce que l'on a subit chez nous : la faim, la perte d'un proche, d'un foyer, et l'angoisse de la mort.

Aujourd'hui ne fait pas exception. Et le "butin" est bien garni. Si j'étais opportuniste, je serais ravi de manger autre chose que les conserves de survies infâmes qui m'ont rempli le ventre ces derniers mois. Nous établissons notre camp sans un mot avant de nous réunir dans une maison vide. Un peu de chaleur ne fait pas de mal, l'hiver touche à sa fin mais les températures sont encore glaciales, surtout la nuit.

Tsuyu est avec moi et frissonne dans une couverture. C'est la première fois que je la vois éprouver quelque chose depuis le début de la guerre. La jeune femme fait preuve d'un courage incroyable. Là où je me suis effondré un grand nombre de fois, elle s'est montrée impassible, toujours chaleureuse et droite.

Doucement, je dépose un plaid sur ses épaules, elle me remercie d'un de ses étranges sourires, les yeux bien ouverts. Katsuki, enroulé dans une couverture, dort dans un coin. Eijiro est de garde avec d'autres de nos camarades, il ne sera de retour que tard dans la nuit. Au loin un poste de radio grésille.

"La nouvelle politique du gouvernement concernant les désertions se fait de plus en plus répressive. Il y a une semaine, nous avons appris avec horreur que l'étoile montante de l'héroïsme Shoto Todoroki, numéro deux des héros, a été destitué de ses fonctions de héros et voit son permis d'utiliser son alter retiré, comme tous les autres déserteurs. L'ancien numéro deux a quitté clandestinement l'armée il y a déjà un an et six mois. Il est désormais fiché S par les forces intérieures pour trouble de l'ordre public. En effet, cet homme est suspecté d'être à la tête du "Pax" une revue politique illégale s'insurgeant contre le gouvernement en place..."

Ce genre de nouvelles pullule depuis quelques semaines. Notre dirigeant semble fou ces derniers temps et notre beau pays est figé dans un autre temps, où un seul homme décidait de la vie ou de la mort de centaines d'autres. Restrictions de la presse, répressions violentes de la moindre tentative de rassemblement, réquisitions de biens, arrestations et incarcérations éclair et procès expéditifs. L'ère des alters avaient déjà quelque peu ébranlé la justice du pays, mais cette guerre l'a achevée. La "reconquête" de la Corée est également une de leurs brillantes initiatives.

"On m'informe que les déserteurs seront désormais condamnés à la perpétuité, voire à la peine capitale en fonctions de leur activités. Medames et Messieurs, nous sommes de retour dans le Japon d'il y a soixante-dix ans, celui de la peine de mort".

Cette fois-ci. Tout le monde réagit avec indignation. Comment en sommes nous arrivés là ? Tout le monde en parle mais personne ne le sait. La voix de l'homme à la radio grésille pour disparaître sous un vrombissement tonitruant. Sans un mot, nous écoutons ce bruit de clameurs qui s'élève du poste avant que le présentateur ne hurle dans le micro.

"Mon dieu mais c'est quoi ce bordel ! Un nombre incroyable d'hommes et de femmes aux alters déchaînés paradent armés d'objets du quotidien. Est-ce que je viens de voir passer une blonde avec une poêle à frire et un crapaud ? Les prochains jours seront noirs, devons-nous craindre une guerre civile ? Et le nombre de héros qui a si nettement diminué... Qu'arrive-t-il à notre beau pays ?"

Para Bellum [MHA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant