Para Bellum [MHA]

Ce qui tombe du ciel

Il pleut des trombes d'eau au dessus du hangar. Il est désormais impossible de fermer l'oeil, si tant est qu'on veuille dormir après ce qui s'est passé. Je suis assis sur mon lit, une couverture sur les épaules malgré la chaleur moite qui règne. À côté de moi, Katsuki est inconsolable. Il ne dit plus rien, n'hurle pas, ne jure pas, il fixe désespérément le vide et parfois il geint, comme un animal blessé.

Il est loin d'être le seul hélas, nombreux sont les bruits de pleurs, les reniflements de nez et les petits cris aigus indicateurs d'un mal-être qui nous frappe tous. Les soldats, à peine plus habitués, nous réconfortent comme ils peuvent. Mais la plupart du temps, les héros les envoient balader. Il faut dire qu'ils manquent de tact. "On y était préparés", "C'était pour la bonne cause". Ils le pensent certainement. Mais pour nous, ce ne sont que des paroles en l'air, qui font juste un peu plus mal au coeur.

Shoto arrive avec une boisson qui ressemble à du thé. Fumante et dégageant une étrange odeur, elle ne me dit rien qui vaille.

- Tiens je nous ai dégoté ça. C'est infâme mais moins que le reste.

Je bois une gorgée du liquide et le goût amer envahit ma bouche, la chaleur me brûle la gorge, je le repose au bout de deux gorgées.

- Tu essaies de m'empoisonner ?

Le coin de ses lèvres bouge à peine mais je crois deviner qu'il sourit. C'est de bien courte durée car l'instant d'après il baisse les yeux.

- Si ça peut nous éviter tout ça...

Je le regarde perplexe, est-ce qu'il vient ? Bon dieu, est-ce que Shoto Todoroki est en train d'envisager de mourir pour éviter la guerre ?

- Tu n'y penses pas ?

Il n'a pas le temps de me répondre. Notre merveilleux lieutenant, commandant en chef de toute cette boucherie arrive avec sa belle médaille et sa moustache frétillante. À quelques mètres, je vois Katsuki bander ses muscles, les poings tellement serrés qu'ils en tremblent. A la lueur de ses yeux, on pourrait croire qu'il est prêt à le tuer dans instant. Eijiro tente de poser une main sur son épaule, violemment repoussée. Et il ne dit toujours pas un mot... J'aurais tant aimé qu'il jure entre ses dents, qu'il grogne. Qu'il crie quelque chose !

Je reporte mon attention sur le général qui semble avoir commencé un discours.

- ...de leur sacrifice. Je me dois également de vous annoncer que Gran Torino, le doyen des héros va faire un discours de motivation des troupes à la radio dans quelques minutes. Discours que nous allons tous écouter et tout particulièrement les héros qui, je le sais, ont été très ébranlés par cette épreuve.

Même en hurlant à plein poumons, sa voix est à peine audible avec le bombardement incessant de la pluie sur le toit du hangar. À la mention de Gran Torino, une nostalgie terrible m'assaille. Je revois mes années de lycée, mon tout premier stage. Je revois All Might et mes larmes coulent toutes seules. Que dirait-il de moi s'il savait que j'ai tué un homme à mains nues ? Je vois son regard triste, même pas déçu, juste malheureux. Je le vois murmurer "Mon garçon...", se détourner de moi, partir, peut-être un peu à contre cœur ? Je n'entends plus ni la pluie, ni le grésillement des radios, ni les paroles de Shoto penché sur moi. Comment regagner ce que j'ai perdu ici ? Ai-je encore le droit de prétendre devenir un héros aussi grand qu'All Might ?

Je n'ai pas le temps d'y réfléchir. Le toussotement de notre plus vieux héros encore en vie nous parvient à travers les différents postes. Tous se taisent et seule la pluie ose parler par dessus l'ancien héros devenu légendaire de par sa longévité.

" Hurm... Jeunes gens ! Vous m'entendez des quatre coins élimés de notre beau pays. Vous avez quitté vos villes pour ces lieux hostiles où, hélas, certains de vos amis sont déjà morts. En vous bouillonne une rage terrible, puissante, la rage de protéger ceux que vous aimez et tous les autres, la rage de rendre justice à ceux que vous avez perdus ! Il n'y a qu'un seul moyen de faire tout cela...