Ceux qui s'en rappellent

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Les banderoles blanches, rouges, noires et bleues, aux couleurs de nos deux nations volent dans le ciel. Il semble que tout Tokyo est même un peu plus s'est rassemblé sur cette place. Les gens sourient, agitent leurs fanions. Des enfants sur les épaules de leur parents secouent les drapeaux achetés pour l'occasion. Aujourd'hui, la fin de la guerre a soixante ans. Soixante années de reconstruction, où les deux pays se sont retrouvés contraints de s'entraider. De s'aimer malgré les morts et les ravages. Six décennies qui ont vue naître une économie commune, une alliance militaire et une amitié politique qui, chacun l'espère du fond du coeur, seront immortelles.

Aujourd'hui, je ne fais pas pas partie des spectateurs. Entre les jeunes soldats défilant devant nous d'un pas fier et le cortège de héros hauts en couleurs, Eijiro nous pousse, moi, mon fauteuil et mon grand sourire. Tsuyu est là aussi, droite, portant le drapeau léger où le signe H-1 est peint en grand, le cercle rouge du Japon juste à côté.

C'est si beau une place en fête, et je me sens vraiment bien. J'ai un beau bouquet de fleur dans les mains et je n'ai pas de mal pour respirer. La marche est lente. Tout le temps qu'il faut pour profiter. La seule ombre au tableau est bien évidemment l'absence de tous les autres, il ne reste plus que nous trois pour représenter le régiment H-1. C'est peu, mais c'est comme ça, j'ai appris à accepter que le temps passe et qu'on ne peut rien y faire.

On me monte sur une estrade grâce à une pente douce, ma couverture se prend un peu dans les roues et une jeune femme en uniforme m'aide à bien la remettre. Le carré de tissus a les couleurs de mon costume lors de mon âge d'or, c'est vraiment une belle attention.

Le président commence son discours, rappelle l'importance de la paix et de l'entente entre nos deux pays. Dans la foule, des bras s'agitent, des bras dont nous ignorons la nationalité, l'origine, et nous nous en moquons. Les confettis volent partout et j'aurais aimé que Shoto soit là pour les voir, c'est exactement le genre de cérémonie qu'il aime. Il aurait mis son noeud papillon gris et blanc qui va bien avec ses cheveux.  En face de l'estrade, un couple de jeunes gens nous sourient en agitant leurs petits bouts de tissus. Leur fils tient un drapeau dans chaque main, il lui manque deux dents. Je souris à Tsuyu à côté de moi, elle pleure beaucoup. Je prends sa main dans la mienne, elle est parcourue de rides et on voit ses veines, mais elle est fine et ses ongles sont soignés. Elle sèche ses larmes d'un coup de mouchoir et me sourit, elle a voué sa vie à cette entente. Je suis tellement heureux pour elle.

- Mais je ne peux que faire silence et donner la parole à ceux qui ont incarné tour à tour notre espoir, nos craintes et notre paix revenue et fortifiée depuis soixante ans.

Le président se tourne vers nous, serre la main à Tsuyu qui s'avance la première. Elle a préparé son discours, mais elle pleure encore et je la vois trembler. Avec émotion, je l'entends esquisser cette simple phrase :

- Merci de nous prouver, chaque minute, chaque seconde qui passe que nous n'avons pas fait tout cela en vain. Merci mille fois.

Je ne l'ai jamais vue pleurer autant, non, je ne l'ai jamais vue pleurer. Mais savoir que c'est aujourd'hui et devant une foule joyeuse me rassure et me met du baume au coeur. Eijiro s'avance alors, aidé par la jeune femme qui a remis mon plaid. Ils n'a quasiment plus de cheveux et ils sont tous blanc, mais le sourire carnassier est demeuré intacte. Tout aussi ému mais un peu moins larmoyant il se saisit du micro.

- Bonjour à tous ! Je pourrais vous parler de la paix, de l'amour et rappeler encore toutes les valeurs qui nous unissent aujourd'hui. Mais j'ai l'intime conviction que vous les portez déjà en votre coeur, et que tous vous les chérissez, car elle sont le socle même de ce pays.

Para Bellum [MHA]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant