Même en les ayant vues de loin, même en sachant qu'elles allaient tomber, nous ne pouvions pas prévoir une telle boucherie. Les troupes ont réagi vite pourtant, et nous nous sommes éloignés le plus rapidement possible de notre base, comme si le diable était à nos trousses. Cela n'empêcha pas la terre de se dérober sous nos pieds lorsque les premières bombes tombèrent. Et certains chutèrent sans réussir à se relever. Passer devant des blessés suppliants et continuer à courir fut une des épreuves les plus dures de ma vie. Maintes fois j'ai voulu m'arrêter, et à chaque fois une main d'un soldat me renvoyait à ma course folle. Pour ne pas hurler de rage, j'ai dû me dire qu'ils tiendront, qu'on ira les chercher plus tard. J'ai eu l'impression de les trahir, eux et ma vocation. C'est pire que quand j'ai tué un homme. Là, j'ai juste délibérément refusé de les sauver.
Cependant, il y a eu un moment où je n'ai pas pu continuer, et me mentir à moi même. Lorsque dans un virage, à moitié cachée par un talus, une chevelure rouge devenue bien terne m'est apparue. Je me suis précipité vers mon ancien camarade et ami. Chaque seconde était un pari avec la mort et je n'ai pu définir ni le nombre, ni l'intensité des explosions aux alentours. À mes pieds, une jambe lacérée par un roncier retourné par une bombe, Eijiro Kirishima hurle de rage et de frustration. Chaque mouvement qu'il fait enfonce de nouvelles épines dans ses chairs déjà sanguinolentes. La plaie est laide mais peu profonde. Il y a encore de l'espoir.
- Eijiro, arrête de bouger je vais te libérer. Si on fait vite...
Une motte de terre nous ensevelit quelques instants. J'ai compris, tout en crachant quelques débris d'humus, que nous venions de frôler la mort. Et que la personne à qui appartient ces lambeaux d'uniforme et de peau n'a pas eu notre chance. Tenaillé par une terreur sans nom, j'ai immédiatement pris mon couteau et coupé le plus gros des ronces, mes gestes rendus maladroits par l'angoisse doivent faire terriblement souffrir le jeune homme qui s'est pourtant contenté de grogner.
- Laisse-tomber, ça sert à rien. Demain ou aujourd'hui, ça finirait bien par arriver.
En prononçant ces mots, l'ancien Red Riot a posé sa tête au sol et regardé le ciel comme si son salut s'y trouvait. Je n'ai pas pu retirer mes yeux de sa jambe écorchée sur laquelle je m'affaire toujours, marmonnant entre mes dents.
- Espèce de connard ! T'as pensé à Kacchan ?
La plupart des épines sont enfin retirées. Encore quelques secondes, juste quelques secondes, rien d'autre, et je pourrai ramener cet homme en sécurité et lui faire manger mon poing pour avoir espéré mourir.
- Tu crois vraiment qu'il survivra à la mort des deux personnes qu'il chérissait le plus ? En trois jours ?
La jambe est encore pleine de ronces, mais elle peut bouger. Voyant bien que la blessure n'est pas dangereuse je tire sans ménagement Eijiro hors du roncier pour le relever, ne faisant même pas attention à son cri de douleur.
- Et surtout à la tienne ? Merde Eijiro t'es vraiment trop con ! C'est viril d'abandonner celui qu'on aime ?
Au regard du jeune homme, j'ai compris que j'ai visé juste. Et c'est bringuebalants mais déterminés que nous avons réussi à nous extirper de cet enfer. Dans cet espèce de camp improvisé entre les rochers, où seuls les blessés légers et les soldats indemnes sont parvenus, un semblant de calme est de retour. Les bombes se sont enfin tues et Eijiro est en sécurité, allongé au sol, le souffle court. Je crois que ni lui ni moi ne nous sommes rendus compte de ce qui vient de nous arriver. C'est le blessé le plus grave du camp désormais et il est indéniable que j'ai utilisé toute la chance à ma disposition pour le prochain siècle.
Un rapide tour du camp m'a permis de voir que Tsuyu et Katsuki vont bien. La jeune femme est arrivée un peu après nous. Perdue dans cette pluie d'acier, elle n'a pas fui dans la bonne direction. Quant au blond explosif, il est au chevet d'Eijiro. Au fond de moi, la joie, le soulagement et surtout la fierté se mêlent, sentiments inextricables que je ressentais quand j'étais encore un héros. Ce semblant de normalité me fait un bien fou, et c'est souriant que je tombe de sommeil après ces quelques jours d'horreur.
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Para Bellum [MHA]
Fanfiction"Nous sommes en direct du ministère de la Défense. Notre gouvernement vient de nous donner la confirmation de la rumeur qui gronde depuis plusieurs semaines. Nos relations avec la Corée du Sud se sont encore dégradées... La guerre est désormais déc...