dis moi que tout va bien

château de sable

Il sentait la douce brise autour de son cou. Le ciel se colorait de teintes rouges et oranges, témoignant de la lumière du soleil qui allait bientôt disparaître totalement. Le fleuve, qui coupait la ville en deux, se mouvait au grès d'un léger courant. Sa silhouette se détachait dans l'atmosphère dorée telle une ombre. Il était debout, appuyé contre la balustrade du grand pont et semblait regarder vers l'océan qui apparaissait au loin.  

Oliver avait eût beaucoup de mal à se lever ce matin. Son corps lui faisait encore mal de partout, et il n'avait pu faire un pas sans sentir les coups de la veille sur ses membres alanguis. Il se remémora la pénible altercation entre lui et Jeanne. Il n'avait pas reçu de nouveau message d'Emilia, ce qui indiquait que la jeune femme avait su tenir sa langue. Malgré leur dispute, le jeune homme remercia mentalement son amie pour n'avoir rien dit. Ils leur arrivaient souvent d'être en désaccord, surtout à cause du comportement d'Oliver jugé imprudent par Jeanne, mais c'était une des fois les plus violentes. Le jeune homme prit son téléphone et appuya sur la conversation la plus récente pour taper un message. 

— Je suis désolé. Je n'aurais pas dû... commença-t-il à écrire avant d'hésiter, de se raviser et d'effacer sa phrase.

Il soupira, et se résolut à ranger son téléphone. Il ne s'excuserait pas, il n'avait rien fait de mal, si ce n'est tenir un peu trop fort le bras de Jeanne. Il alla dans la salle de bain et s'appliqua de la crème cicatrisante sur les différentes plaies qui couvraient son visage. Il frémit de douleur au seul frôlement de ses doigts sur sa peau rougie. Très vite il se doucha, s'habilla et descendit au rez-de-chaussée, non sans la crainte de recroiser son père.

Mais la maison était vide, ce qui n'était pas si rassurant pour Oliver, qui aurait préféré une visite de sa mère avec qui il serait parti loin d'ici. Elle était bien partie mais sans lui, et à jamais il lui en voudrait pour cet abandon. Il l'imaginait, dans une autre ville, un autre pays, avec un nouveau compagnon. Peut-être même un nouvel enfant. Le jeune homme effaça ces pensées trop douloureuses pour s'appliquer à observer les bibelots chers mais sans aucune valeur, qui lui étaient les seuls souvenirs de son enfance heureuse. Chaque objet était en effet resté à sa place, en dépit de tous les changements qu'avait subis sa famille depuis l'acquisition de ce vase, de ce cadre ou de cette peinture.

Il se sentait trahi. Trahi par cette vie qui lui avait tout donné pour tout lui reprendre, comme un pansement qu'on arracherait tout d'un coup sans prévenir. Les émotions se mélangèrent, son esprit fit des aller-retours entre la rage et la profonde tristesse. Il avait l'impression que son ventre se tordait, un coup d'œil vers ses mains lui montra qu'il tremblait de tout son corps. L'odeur du neuf l'entourait et l'écœurait, autour de lui les murs se rapprochaient, puis s'éloignaient inexorablement. Pris d'un excès de rage, il prit le cher vase de sa mère, auquel elle tenait tant quand elle était encore là pour jouer avec lui. Il le jeta violemment contre le sol. Les éclats blancs argentés se dispersèrent sur le carrelage de la cuisine.  

Le bruit tumultueux le ramena soudain à la réalité. Comme s'il sortait d'un état de transe, il s'étonna de ce qu'il venait de faire et regretta tout de suite son action. Il ramassa les débris de verre à l'aide d'une pelle qu'il trouva dans le placard à balais, et jeta le tout à la poubelle.

— Je suis tellement désolé maman... murmura-t-il en fermant le couvercle fermement.

Il s'assit dans le canapé pour souffler un peu. La pièce avait arrêté de tourner, ce qui semblait être un bon signe. Après quelques minutes, il se releva et alla se faire quelque chose à manger. D'habitude, il cuisinait avec Emilia qui l'aidait, car il était un très piètre cuisinier. Etant seul, il se contenta de mettre un plat surgelé au micro-ondes et d'attendre. Il s'installa confortablement dans le canapé avec son assiette chaude sur la table basse. Il lança une série pour se changer les idées.