descente aux enfers

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Le monde si parfait de Jeanne venait de voler en éclats. Elle  réalisait petit à petit qu'elle ne connaissait rien des gens qui  l'entouraient. Elle qui menait une vie si parfaite, elle n'avait pu voir  qu'on lui mentait depuis tout ce temps. Elle n'eut même pas besoin de  faire répéter Oliver. Quand elle y réfléchissait, elle savait qu'il  disait la vérité. Les incohérences. Les excuses de Sam quant à ses  absences répétées. Elle avait toujours su que quelque chose n'allait pas  dans son couple, mais elle se l'était cachée inconsciemment, dans  l'attente de quelqu'un qui la sortirait du mensonge. Sa première  réaction fut de quitter la pièce pour appeler Samuel, laissant Emilia  et Oliver seuls.

— J'aurais peut-être pas du lui dire... du moins pas comme ça, dit le jeune homme, pensif.

— On venait de se promettre de toujours se dire la vérité. Si ce que  tu dis est vrai, il fallait bien qu'elle sache. Elle n'aime pas la  drogue, et ne supporte pas qu'on lui mente, alors là...

Oliver acquiesça. Mais il doutait encore. Sam restait son ami, et ce  n'était peut-être pas à lui de se mêler à ses histoires avec Jeanne. Il  avait sûrement ses raisons de mentir, et lui-même n'était pas un exemple  parfait d'honnêteté. Soudain, la porte d'entrée s'entrouvrit et laissa  apparaître les parents d'Emilia, qui incarnaient la perfection pour le jeune homme qui aurait rêvé de vivre sous leur toit.

— Salut Emilia, salut Oliver ! Vous avez passé une bonne journée ?  dit le père qui posa deux énormes sacs de course sur la table de la  cuisine.

— Chéri, on a encore oublié d'acheter de la nourriture pour le  chat... dit sa femme à son tour en rentrant dans la pièce. Ça te dérange  d'y retourner ? Paul n'a vraiment plus rien à manger.

Oliver sourit à l'entente du nom de l'animal, c'était quelque chose qui le faisait toujours  autant rire après tant d'années. La grosse boule de poils apparut comme  par magie, et profita d'un moment d'inattention d'Emilia pour sauter sur  les genoux de la jeune fille. Jeanne entra dans la pièce elle aussi, et  salua les parents de son amie, qui ne remarquèrent pas qu'elle avait  les larmes aux yeux. Alertés, les deux adolescents l'accompagnèrent à  l'étage dans la chambre d'Emilia, loin des oreilles indiscrètes.

— Il nie tout, lança Jeanne d'un ton sec. Je n'arrive toujours pas à croire que ce connard m'ait menti tout ce temps.

Ses yeux étaient rougis par les larmes, mais il y avait dans sa voix  une assurance déconcertante. Emilia et Oliver la laissèrent parler, elle  leur expliqua que le garçon s'était quelque peu énervé, en la traitant  d'hystérique notamment. Ils avaient fini leur discussion en décidant de  se quitter. Enfin, c'était plutôt Jeanne qui l'avait décidé. Oliver se mordit les  lèvres, il se sentait terriblement coupable pour la toute récente rupture de  son amie.

— Je suis désolé pour toi Jeanne... dit-il, rompant le silence qui s'était installé.

La jeune fille soupira.

— C'est rien, je préfère être avec quelqu'un qui ne mène pas une  double vie en me mentant sans arrêt. Je... je l'ai déjà oublié.

Son regard triste disait le contraire, mais Emilia et Oliver se  gardèrent bien de lui faire remarquer. Il restèrent là, assis et  silencieux, comme si le monde s'était arrêté de tourner. Seuls les  sanglots de Jeanne brisaient le voile épais qui les entourait. Dehors, il faisait de plus en plus chaud en ce début d'après-midi. Les habitants de la ville restaient cloîtrés chez eux, au frais et loin de la chaleur insupportable des rues vides. La plage et l'océan étaient occupés par de nombreux touristes, qui profitaient de la faible fraîcheur apportée par l'eau.

Samuel était parmi eux, près de la baie, lorsqu'il avait reçu l'appel furieux de sa petite-amie. Il avait tout fait pour la rassurer. Lui dire que rien n'était vrai lui avait semblé être la meilleure chose à faire sur l'instant. Encore une fois, il lui avait menti. Il avait tout gâché avec elle. Jamais elle n'aurait voulu lui adresser la parole si elle savait ce qu'il faisait de son temps libre, alors il avait préféré ne rien lui dire et garder cette partie de lui secrète. Il l'aimait toujours, d'un amour fort et sincère, presque violent. Et il venait de tout perdre, en une fraction de secondes.

dis moi que tout va bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant