La fête battait son plein chez Emilia. La musique, toujours plus forte, faisait trembler les gobelets se trouvant trop près de l'enceinte. Oliver, pris de vertiges, se rinça la bouche et s'éloigna de l'évier, chancelant. Il hésita, se retourna et dit d'un air vague aux quelques personnes qui se trouvaient dans la pièce :
— Désolé, j'ai... un peu trop bu. Je crois.
Il sortit de la cuisine, et les discussions reprirent leur cours comme si de rien n'était. Le jeune homme ne distingua d'abord personne dans le flot de silhouettes, puis discerna certains visages, comme s'il retrouvait la vue peu à peu. Il évita soigneusement de croiser le regard d'Emilia, et se dirigea vers la salle de bain de la jeune femme. Lorsqu'il ouvrit la porte, ce fut comme un autre monde qui s'offrait à lui. Le silence, enfin. Jeanne ne lui répondait plus, et il n'avait pas osé la rappeler de peur qu'il fasse quelque chose qui les compromettrait. Il croisa le reflet du miroir en face de lui. Son regard le trahissait. Son regard portait la mort dans ses pupilles.
Emilia porta un énième verre à ses lèvres. Cela faisait maintenant une heure qu'elle était complètement ivre. Elle parlait fort, riait, était aux anges avec tout le monde. Sa gorge lui brûlait, mais elle s'empressa d'oublier la douleur quand elle vit Oliver l'éviter pour se diriger hors du salon. Elle voyait bien que le garçon se sentait mal et s'empressa de le suivre, décidée à redonner le sourire à son meilleur ami. Elle frappa tout d'abord, puis rentra dans la salle de bain, sans attendre que le jeune homme ne lui réponde. La lumière crue l'aveugla un moment, ses yeux étaient encore trop habitués à l'obscurité des autres pièces de la maison. Elle tituba quelques secondes, essayant de retrouver un certain équilibre. Oliver, assis par terre, se redressa et tourna la tête vers la jeune femme.
— Salut...
Emilia s'assit à ses côtés, et ne sentit même pas le carrelage glacé sous ses mains brûlantes. Elle avait beaucoup trop chaud.
— Qu'est-ce qui ne va pas Oli ? T'as... une petite mine, dit-elle en agrippant la joue du garçon, essayant de le faire sourire.
Il secoua de la tête, et répliqua qu'au contraire tout allait bien. Il était juste un peu fatigué, rien de très grave. Emilia acquiesça, et sourit à nouveau au jeune homme qui le lui rendit à son tour. Ils restèrent assis paisiblement. Lui, toujours silencieux. Elle, divaguant et riant toute seule, attestant qu'elle ne s'était jamais sentie aussi heureuse. Au loin, les baffles étouffaient l'air, et égorgeaient la dernière once de silence qui subsistait dans la maison.
La voiture de police filait déjà à toute allure sur la grande rue, perçant la nuit de ses gyrophares étincelants. Jeanne repensait au message qu'elle venait d'envoyer à Oliver. Son téléphone lui avait été confisqué, et directement mis sous un sac plastique. Ses menottes lacéraient ses poignets. Elle n'osait relever la tête, de peur que son regard ne trahisse sa culpabilité. De là où elle était, elle ne voyait rien d'autre que son vieux jogging dans lequel elle dormait d'habitude. Ses bras semblaient sans vie, ses poignets blancs se confondaient avec les menottes métalliques. Elle avait la chair de poule. La voiture freina brutalement à cause d'un feu rouge. Le trajet semblait interminable.
Sa tête lui faisait mal, comme si son cerveau avait été englué de plomb. Des images se succédaient dans son esprit. La terre. Le coup de feu. Le couteau qu'elle avait enfoncé dans le dos Samuel. Le corps gisant de son ex-petit ami. Le sang sur le carrelage de la cuisine. La voiture redémarra. La jeune femme n'arrivait pas à penser à autre chose que ce qu'Oliver et elle avaient fait l'avant-veille. Elle repensa à la tâche de sang qu'elle avait finalement réussi à retirer de son gilet beige. Celui-ci était en ce moment même étendu dans la salle de bain. C'était une quelconque preuve de moins qui ne pourra pas l'incriminer. La symphonie de sirènes, à peine étouffée par l'enveloppe de la voiture, durait depuis si longtemps maintenant que la jeune fille ne les entendait même plus. Ils s'arrêtèrent enfin, et un homme en uniforme vint lui ouvrir la portière arrière de la voiture. Il agrippa le bras de Jeanne si fort qu'elle sentit des larmes monter. Elle se mordit la lèvre.
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dis moi que tout va bien
Mystery / ThrillerUne soirée un peu trop arrosée tourne vite au drame quand la police découvre le corps de l'un des invités, enterré dans la forêt. D'autant plus qu'Emilia apprend avec stupeur que son meilleur ami pourrait être responsable de sa disparition. Sous la...