Le lendemain matin, Naci se leva avec une drôle d'impression. Ses adversaires de la veille avaient chamboulé les préjugés qu'il s'était fait des Terriens. Elles n'avaient pas l'air si méchantes que ça, elles ne semblaient même pas avoir voulu le tuer. Pourtant, Naci ne parvenait pas à oublier la haine qu'il entretenait pour cette race. Tout en songeant à cela, il tira une vieille boîte en bois de sous son lit et l'ouvrit délicatement. A l'intérieur se trouvait une photo déchirée sur laquelle on apercevait Naci aux côtés de Lou, son ami d'enfance. Sur l'épaule de celle-ci se trouvait une autre main d'enfants qui appartenait sûrement à Etli avant que son image ne soit séparée du reste de la photo. Naci passa doucement son pouce sur le visage souriant de Lou et des larmes envahirent instantanément ses yeux. Il fit de son mieux pour les retenir mais certaines parvinrent malgré tout à se glisser le long de ses joues. Naci avait la particularité de combattre systématiquement la tristesse par la rage. Ainsi, balayant d'un revers de la main les quelques larmes qui lui encombraient le visage, il remit la photo dans la boîte qu'il referma aussitôt avant de serrer les deux poings de rage. Comment avait-il pu se laisser attendrir par quelques terriennes au point d'oublier ce que ces êtres infâmes lui avaient fait ?
L'évènement auquel il songeait avait eu lieu peu de temps après la mort de ses parents. Naci, qui avait bien évidemment du mal à remonter la pente avait pu compter sur le soutien de Lou en tant qu'amie mais également en tant que petite-amie puisqu'ils avaient fini par se mettre ensemble ce qui n'avait franchement rien de surprenant. L'amour entre ces deux-là était d'une pureté sans nom et leur procurait un bonheur incommensurable qui pansait les blessures infligées par le passé, qui n'avait pas été tendre avec eux. Leur histoire atypique les différenciait des autres enfants mais n'avait pas réussi à leur voler leur innocence. C'est malheureusement à cause de celle-ci qu'un jour ils se rendirent sur Terre, pour visiter. Ce qu'ils ignoraient c'est qu'à cette époque déjà, certains Terriens étaient au courant de leur existence. Pas la population, mais les autorités. Une section spéciale avait été créée au sein de la police et était chargée de capturer ou de tuer les extraterrestres vivant parmi les terriens. Ils n'étaient pas d'une grande efficacité puisque de nombreux Sidélions expatriés continuaient de vivre en paix sur Terre, à l'instar d'Etli ; cependant il fallait tout de même s'en méfier. Leur première visite sur Terre se passa bien, à tel point qu'ils décidèrent d'en faire une habitude. L'opinion de Naci sur la Terre était alors toute autre puisqu'ils arrivaient à chaque fois à trouver de grandes plaines isolées loin des Terriens, où la nature n'avait pas encore cédé tous ses droits. Seulement un jour, alors qu'ils marchaient tranquillement en se tenant la main comme les enfants insouciants qu'ils étaient, le bruit de pneus crissant sur la route voisine interrompit leur balade. Naci releva la tête juste à temps pour voir quatre hommes armés sortir d'une voiture de police. Affolés, le premier réflexe des Sidélions ne fut malheureusement pas de se téléporter mais simplement de courir. Naci serra la main de Lou et commença à s'enfuir en tentant tant bien que mal de se protéger la tête, lorsqu'un bruit assourdissant se fit entendre. Naci eut l'impression de perdre l'audition pendant quelques secondes et remarqua que dans ses souvenirs les armes à feu ne faisaient pas tant de bruit. A peine eut-il le temps de se faire la réflexion qu'il sentit le sol trembler sous ses pieds. Il accéléra sa course autant qu'il le put, tentant tant bien que mal d'entraîner Lou qui, ayant un peu de mal à suivre se trouvait très légèrement en retrait. Pris dans le chaos de l'explosion, Naci se sentit pas sa main glisser de la sienne, il n'entendit pas Lou tomber. Par peur d'être rattrapé par les Terriens, il continua de courir à toute allure et ne s'arrêta que lorsqu'il ne perçut plus aucun bruit, lorsque tout semblait être revenu à la normale. Il regarda tout d'abord en direction de la voiture de police et vit avec soulagement qu'elle était repartie. C'est alors qu'il remarqua l'absence de Lou. Il regarda tout autour de lui et cria son nom dans l'espoir de la retrouver, mais n'eut que le silence ambiant pour réponse. Il se décida à retourner en arrière, sur le lieu de l'explosion. Plus il s'en rapprochait plus il devinait au sol une gigantesque crevasse qui avait fendu le paysage en deux. Incrédule, il s'en approcha au maximum et finit par jeter un coup d'œil au fond. Son cœur imita alors le paysage puisqu'il se fendit à son tour. En bas, à plusieurs dizaines voire une centaine de mètres de la surface gisait un minuscule corps recroquevillé sur lui-même. Naci poussa un cri entrecoupé de sanglots. Il hurla le nom de Lou plusieurs fois, en espérant la voir bouger, se relever ou juste lui répondre mais le corps restait inerte. Il entreprit alors de descendre au fond de la crevasse grâce à la magie, en priant pour que les Terriens n'aient pas laissé de brouilleurs. Une fois arrivé en bas, il s'approcha timidement de Lou en continuant de l'appeler d'une voix de plus en plus faible. Il reprit espoir en posant sa main sur l'épaule de la blessée, constatant que sa peau était encore chaude. Ainsi, son dernier « Lou.. ? » fut prononcé avec plus d'assurance que tous les autres tandis qu'il la retournait doucement pour voir son visage. La suite n'en fut que plus déchirante. Au premier regard, il comprit qu'elle était morte. Son corps était intact, mais son âme s'en était allée. Il resta deux jours entiers au fond de la crevasse, près du corps de son amie avant de se décider à repartir. Ces deux jours et tous ceux qui suivirent ne servirent qu'à une chose : nourrir la haine qu'il avait désormais pour les Terriens. Des assassins, voilà ce qu'ils étaient dorénavant à ses yeux. De la nature et de Lou. Et s'il adorait la nature, c'était surtout Lou que Naci voulait venger.
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Le sauvetage d'un peuple
FantasyConfier de trop grands pouvoirs à de simples enfants incapables de les gérer, cela n'a déjà rien d'une bonne idée mais les choses s'avèreront encore plus compliquées que prévues. Entre conflits, amitié, peur et courage, comment grandir avec le sort...