6- Un soutien sans frontières

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La Mer de Larmes eut finalement une conséquence inattendue sur la société Sidélionne. Depuis le début des catastrophes naturelles, le taux de suicides avait considérablement augmenté pour diverses raisons. Il y avait ceux qui ne souhaitaient pas affronter toute cette souffrance et décidaient donc de se tuer par lâcheté ou par épuisement. On trouvait également beaucoup de cadavres de personnes oubliées, les catastrophes ayant fait énormément de morts il était fréquent qu'une personne se retrouve sans amis et sans famille face à cette situation. Or, tout le monde n'est pas capable de gérer une telle solitude et particulièrement dans de telles circonstances. Il y avait enfin ceux qui perdaient un ou plusieurs proches et ne le supportaient pas bien qu'il leur en reste d'autres. Dans cette dernière catégorie on trouvait majoritairement des femmes ayant perdu leurs enfants. C'est peut-être la chose la plus horrible qui soit, et bien que certaines parviennent à surmonter ça la plupart y voyaient le signe qu'il était temps d'échapper à ce cauchemar en passant de l'autre côté de la frontière des vivants. On ne pouvait pas leur en vouloir. De toute façon, j'étais vraiment mal placé pour condamner les choix suicidaires des gens. Pour la deuxième raison à savoir la solitude, c'était une décision compréhensible également dans le sens où l'on peut facilement imaginer la détresse d'une personne ayant vu tous ceux à qui elle tenait partir et ne souhaitant qu'une seule chose : les rejoindre. Mais pour l'autre raison, la chose n'était pas si bien acceptée. Pourtant, de nombreux Sidélions pensaient au suicide pour éviter de finir brûlé vif ou noyé, mais ceux qui ne passaient pas à l'acte avaient tout de même l'audace de condamner cela. Cette décision était méprisée par la société qui n'y voyait que de la lâcheté, considérant que les concernés ne faisaient que fuir la difficulté plutôt que d'essayer de trouver une solution. C'est notamment cette raison qui empêchait beaucoup de gens de sauter le pas. Lorsqu'un cadavre était découvert, la première chose qu'on regardait c'était s'il avait perdu beaucoup de proches ou un enfant. Si ce n'était pas le cas, il devenait la risée du quartier. Ce n'était à vrai dire pas si grave puisque les morts n'ont que faire des commérages à leur sujet, mais cela suffisait à décourager certains. Malheureusement, il y eut la Mer de Larmes. Ce jour-là, des enfants sont morts. Par conséquent, de nombreux parents sont entrés dans la dernière case, celles et ceux ayant perdu un enfant. C'est ainsi qu'ils ont commencé. Je parle des suicides collectifs. Des scènes dignes des plus grands films d'horreur où parents meurtris et étrangers se mêlaient pour rendre ensemble leur dernier souffle, prétextant le faire en hommage aux victimes de La Mer de Larmes. Certains trouvaient ça ridicule, d'autres trouvaient ça beau. Le premier eu lieu environ deux mois après le tragique évènement. Une dizaine de parents accompagnés parfois de leurs autres enfants se rendirent sur les rives du grand fleuve qui longeait le centre d'entraînement ravagé, avec de grandes pancartes sur lesquelles il était inscrit : « Pour rejoindre ces petits anges partis trop tôt ». Ils restèrent là une bonne partie de la journée, rejoints au fur et à mesure par de plus en plus d'étrangers souhaitant participer au mouvement ; et en fin de journée, tous accrochèrent les pancartes à leurs vêtements pour pouvoir se donner la main et sautèrent à l'unisson, en criant leur slogan, dans les eaux glaciales et meurtrières du grand fleuve. Ce jour-là, l'initiative choqua énormément. Mais cette fois-ci, on ne blâma pas les participants, estimant qu'ils le faisaient pour une bonne cause. C'est sûrement la raison pour laquelle le phénomène prit une ampleur folle au fil de temps. Tous ceux qui jusque-là n'osaient pas passer à l'acte virent dans ce phénomène le prétexte idéal pour échapper à la souffrance de cette planète maudite. Dans certains rassemblements, on ne voyait même pas de parents concernés. Parmi les affiliés au mouvement, certains semblaient réellement affectés par la Mer de Larmes, comme si cela avait été la goutte de trop, mais il était clair que pour la plupart ce n'était qu'une fausse excuse. La très forte médiatisation qu'engendrèrent ces manifestations n'arrangea rien.

La population était au plus mal, réduite un jour par une catastrophe naturelle et le suivant par une vague de suicides collectifs. Le gouvernement explorait sans relâche l'espace à la recherche d'une planète de substitution mais aucune ne convenait aux besoins des Sidélions. Malgré sa persévérance, l'empereur Cyrion commençait petit à petit à perdre espoir et cela ne fit qu'empirer lorsque quelques années plus tard, la mère de Syrcon et Tran et actuelle impératrice succomba à la maladie qui l'handicapait depuis plusieurs années.

Le sauvetage d'un peupleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant