Overdose | Lucas Hernandez

5. Réveil

Jaura Elzevanki

Ma tête tourne, ma vision est encore trouble. Ce blanc éclatant de l'hôpital me broie les yeux encore endoloris. J'ai une petite idée de ma raison de ma venue ici et mes doutes se confirment quand je sens ce creux dans mon ventre.

Des perfusions, un lavage d'estomac, Lucas à ma gauche, ma mère à ma droite, ça ressemblerait bien à une overdose.

Comment est-ce que j'en suis arrivée là ? C'est compliqué, même moi je ne suis pas certaine du chemin parcouru.

C'est une course effrénée vers l'extase, de nouvelles sensations que la drogue arrivait à me procurer. C'est une recherche de l'exaltation des sens.

Pia, une amie, prenait de la cocaïne de temps en temps. Jusqu'alors, je m'étais toujours tenue à l'écart des drogues, parce que je me rendais bien compte aussi qu'il ne m'en faudrait pas beaucoup pour tomber accro. Mais un jour, nous étions à une soirée où tout le monde continuait à faire la fête sans problème à 6 h du matin tandis que moi, j'étais crevée. Alors j'ai sniffé une ligne.

Ce qui a été vraiment stupide de ma part, car j'ai immédiatement adoré ça.

Heureusement, la cocaïne coûte très cher, sinon, ça aurait été pire encore. Même si j'ai dilapidé dans la coke des milliers d'euros, mes économies durement gagnées... Je travaillais avec des jeunes et heureusement, j'ai toujours gardé la notion du bien et du mal. Bousiller ma vie était une chose. Mais je ne voulais entraîner personne d'autre dans ma chute. Dealer, par exemple, est une chose que je n'ai jamais faite. Je n'ai jamais volé ou fait de mal à quiconque, et je ne buvais jamais au travail.

Mais il est arrivé un moment où la drogue a pris une totale emprise sur moi, où c'est elle qui animait mes journées. La coke n'a plus suffit, alors je me suis renseignée sur quelque chose de plus fort, de plus puissant et cela coûtait inévitablement plus cher.

J'ai perdu mon job étudiant, mon hygiène et mon comportement étaient devenus inacceptables selon mon patron de l'époque. Avec un peu de recul, il avait entièrement raison.

Mais mon compte en banque finit par s'épuiser, alors j'ai fini par jeter mon sort sur Lucas, l'homme aux richesses quasi infinies. À partir de ce moment, j'étais en chute libre. Aucune activité dans la vie, de l'argent à foison pour aller me fournir les dernières nouveautés en la matière.

Et c'est à ce moment, après l'overdose où j'ai les idées claires, que je me rends compte du mal que j'ai pu faire aux personnes qui tiennent réellement à moi.

Lucas, que j'ai rencontré il y a à peine 4 mois, qui a toujours fait son maximum pour m'aider, pour m'en sortir. C'est indéniable, il se sentira coupable de mon état. Il a toujours été gentil, il a toujours été trop gentil. Il n'aurait jamais dû subir ça, il aurait dû me quitter il y a bien longtemps, et me laisser seule face à mes démons. Il a tant fait pour moi, et je ne pourrais jamais le remercier comme il se doit.

Ma mère, que je n'avais pas vu depuis plusieurs semaines. Elle m'a totalement renié en apprenant mes problèmes d'addiction, et plus précisément quand elle a vu que je ne faisais aucun effort pour les arranger.

Mon père ? Probablement en train de tromper ma mère. Malheureusement, je ne peux plus trop m'exprimer sur le sujet maintenant, j'ai moi aussi commis l'adultère.

J'ai trompé Lucas avec mon idiot de dealer. Plusieurs fois. Et j'ai peur d'avoir pris plus de plaisir avec lui qu'avec Lucas. Peut-être était-ce une question d'idéologie ? Mon fournisseur me soutenant à 100% dans mes achats, et un jour il m'a proposé une réduction contre en paiement en nature. J'ai accepté, non seulement pour la réduction, mais pour la provocation.

Quand vous êtes dépendante, la zone de plaisir de votre cerveau a été tellement affectée que vous ne réagissez plus qu'aux stimuli extrêmes. Lucas ne me suffisait plus, les drogues douces ne me suffisaient plus, alors il m'a fallu aller dans les extrêmes, jusqu'à en risquer ma vie.

Je m'en veux et je m'en voudrais toute ma vie d'avoir atteint ce point de non-retour. Mais la question qui réside, reste celle de ma survie. Je ne connais pas exactement la gravité de mon état, à quel point l'intérieur de mon corps est foutu. Je suis une imbécile d'être arrivée jusqu'ici, dans ce lit d'hôpital.

Mais est-ce que je retomberais dedans ? Peut-être, je préfère éviter d'y penser pour l'instant, mais mon état fébrile, ma naïveté et mon manque d'assurance m'entraîne souvent dans de mauvaises situations.

Je devrais changer mes relations, mon mode de vie, mon comportement et encore une multitude d'autres choses si je veux réellement changer et m'en sortir. Mais je ne sais pas si j'en ai la force, surtout que je serais désormais seule face à cette montagne d'épreuves. Et c'est totalement mérité, c'est tout ce que je mérite d'être célibataire. Un homme aussi attentionné mérite d'être heureux. Parce que c'est son bonheur que j'ai annihilé dans ma course à l'euphorie.

- Tu es enfin réveillée » annonce la voix grave de fumeuse que porte ma mère