10. Il était trop tard

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02 Novembre 2019
Lucas Hernandez

- Je vais partir pendant 3 jours, et pendant cette période tu ne pourras plus loger chez moi »

Son regard se perd dans le vide et aucune réaction ne se fait savoir pendant de longues secondes. Un silence malaisant, où seul le bruit mécanique de l'horloge se fait entendre.

- Je te déteste » me dit-elle simplement

Sa réaction est incompréhensible, je ne vois pas où est-ce qu'elle veut en venir.

- Tu m'as aidé quand j'allais bien, mais dès que je vais mal tu commences à fuir tes responsabilités ? Très bien monsieur Hernandez, les médias seront heureux de l'apprendre »

Ces mots sortent arrachés de sa bouche, ses yeux injectés de sang me fixent avec une colère sans pareil.

Elle effectue un rapidement mouvement et s'empare d'un des longs couteaux de cuisine disposés sur le plan de travail et le brandi comme une arme.

- Tu sais qu'il n'y a qu'une issue à ce problème et tu la connais »

Sa démence parle, ce n'est pas Jaura derrière ce comportement. J'ai peur que ce couteau finisse planté en moi, qu'elle abatte son courroux sur mon corps. Mais le geste sera plus surprenant.

La lame s'abaisse et glisse le long de son bras afin de former une petite entaille de quelques centimètres. Le sang s'en échappe déjà en une quantité non-négligeable et s'écoule le long de son avant-bras. Elle lâche le couteau et lève son bras en l'air comme un trophée qu'elle voudrait montrer au monde.

- C'est ce que tu veux ? C'est ça qui te fait plaisir ? Me voir souffrir ? Tu as tout gagné » crie-t-elle à quelques centimètres de mon visage

Elle passe sa main par-dessus sa plaie, teintant cette première du liquide rouge écarlate qui en fuit. Elle la lève à ma hauteur, la dépose sur ma joue et la fait bouger afin d'étaler la substance sur mon visage.

- C'est le prix du sang que tu as gagné mon chou »

Elle dépose ses lèvres sur mon autre joue avant d'attraper son sac d'affaires et de quitter la maison en claquant de toutes ses forces la porte d'entrée.

J'ai ce sentiment que je ne la reverrai pas, que c'était la dernière fois qu'elle s'invite dans ma vie. Ce sentiment à une quo-notation négative, comme un échec plus qu'un soulagement.

J'ai toujours fait de mon mieux pour l'accompagner, l'aider à traverser ses mauvaises phases, mais tout était vain. Quand je l'ai rencontré, il était trop tard. Quand on s'est mis en couple, il était déjà trop tard. Si je veux la rattraper pour réparer mes erreurs, il est déjà trop tard.

Ce sentiment amer de l'échec me revient en bouche et traverse mon corps à l'aide de frissons. J'ai moi aussi le droit à un petit éclair de lucidité dans tout ce brouillard. Je comprends le sens des mots, le sens caché derrière la démence. J'ai su écouter entre les lignes, voir le futur.

Je suis responsable d'un grand nombre de choses dans cette histoire, mais sa mort n'en fera pas parti.


Lieu et heure inconnus
Omniscient

Une jeune femme traverse la rue en courant, les yeux envahis par les larmes. Elle manque de se faire percuter par une voiture, cette dernière roulant sans phare dans l'obscurité qui règne cette nuit-là.

Elle finit par rejoindre une rue calme, à l'abri des regards et sans un chat. Elle se laisse glisser le long d'un mur et ouvre son sac qui contient un grand nombre d'objets qui retracent l'histoire de sa vie.

Mais à ce moment, ce n'est pas ce qui l'intéresse. Elle dégage de tout son attirail trois objets : Un crayon à papier, un cahier abîmé et un couteau suisse.

Elle s'empare dans un premier temps des deux premiers objets et commence à gribouiller quelques mots sur une page.

Ces quelques mots se transformeront en phrase, puis en paragraphe, puis en lettre de suicide. Elle en rédigera 4, chacune adressée à une personne différente, racontant des éléments mais se concentrant sur un point commun à toutes : elle a mis fin à ses souffrances.

Lucas, Pia, sa mère et son dealer recevront tous ce bout de papier qui leur est dédié lorsque quelqu'un retrouvera sa dépouille. Elle range le tout dans son sac, le dépose sous un petit abri afin qu'il ne prenne pas la pluie, chose qui pourrait effacer ses dernières mémoires.

Il ne lui reste que son couteau suisse. Elle le tourne dans ses mains, encore hésitante de son geste, avant d'en faire sortir la lame. Elle l'admire, si fine et éclatante. Puis elle décide, dans un ultime moment de lucidité, d'appuyer la lame contre ses veines. Et elle répéta l'opération à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'elle sente la force quitter son corps.

Jaura se videra de son sang dans les rues vides de Munich, après avoir pris la lourde décision de mettre fin à ses jours. Le manque de sérotonine était trop important, son cerveau et son esprit ravagés par toutes ces drogues qu'elle a pu prendre. Elle était arrivée à un point de non-retour. Face au mur, elle avait deux options : Briser ce mur et avancer dans la vie, ou s'asseoir à son pied, et tirer sa révérence. La volonté brisée, Jaura aura choisi la seconde option.

Rien au monde aurait pu arranger son cas. Pour l'aider, il faudrait remonter quelques années en arrière. Quand le monde extérieur a compris son problème, il était trop tard.


Overdose | Lucas HernandezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant