Tête à tête

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Darcy ne s'attendait pas à aborder le sujet. Pas comme cela, pas si vite, mais n'hésita plus maintenant que l'occasion lui était donnée. Il se leva, torturant son chapeau des deux mains. Elisabeth le suivit des yeux, les sourcils légèrement relevés.

- Cette place a été assignée à une autre personne... chère à mon cœur... depuis plusieurs mois maintenant.

Surprise de la tournure de la conversation, Elisabeth répondit en baissant les yeux et en rougissant:
- Mais cette personne a eu l'impudence de vous refuser, vous accusant injustement et mettant en doute vos nobles sentiments.

Darcy se répétait ces mots dans sa tête: impudence... injustement... nobles sentiments?

- Non, cette jolie personne a donné une juste leçon d'humilité à l'homme que je donnais à paraître et que j'étais en partie.
- Pourtant n'avez-vous pas dit un jour à Netherfield que vous étiez d'une humeur qu'on pourrait qualifier de rancunière et que quand vous retirez votre estime, c'est pour toujours?
- En effet ce sont mes paroles et nos défauts sont parfois tenaces. Mais en l'occurrence la demoiselle en question n'a jamais perdu mon estime... Que du contraire.

Elisabeth, avait du mal à réaliser ce que venait de dire Mr Darcy. Se pourrait-il qu'il ait toujours une certaine affection pour elle? Que son sourire avenant et les conversations agréables qu'ils avaient échangés depuis ces trois jours étaient sincères et empreints d'un certain amour? Et ce malgré toutes les horreurs que sa colère lui avait fait dire par le passé et que dès le début elle s'était résolue à détester?

Ils restèrent un instant silencieux. Darcy arpenta la pièce à longues enjambées. Jeta un œil à la fenêtre et revint devant Elisabeth qui était toujours prostrée. Il prit une grande inspiration afin de chasser tous les mauvais souvenirs et déclara:

- Vous êtes trop généreuse pour vous jouer de mes sentiments. Si les vôtres sont les mêmes qu'au printemps dernier, dites-le moi Miss Elisabeth. Les miens n'ont pas varié, non plus le rêve que j'avais formé alors.

Voyant que ses beaux yeux le fixaient mais qu'elle ne disait toujours rien, il se mit à douter que, comme lors de sa première déclaration, le silence qu'il croyait encourageant ne l'était point.

- Je vois que vous hésitez, je ne demande pas de vous une réponse immédiate. Prenez le temps Elisabeth, pour vous j'ai tout le mien. Mais un non de vous suffira pour m'imposer silence à jamais.

Sans que son esprit ne l'ai véritablement décidé, Elisabeth se leva de son fauteuil et fit un pas vers son prétendant. Sentant tout ce qui avait de pénible et d'embarrassant dans la position de Darcy, elle sut vaincre son émotion, non sans hésitation.

- Mr Darcy, depuis l'époque que vous désignez et qui me peine lorsque j'y repense, mes sentiments envers vous ont éprouvé un profond changement. Aussi c'est avec plaisir et reconnaissance que j'apprends que vos vœux et vos sentiments envers moi sont inchangés.

Saisi par cette délicieuse réponse, il s'approcha un peu plus d'elle et lui dit avec chaleur:

- Elisabeth, ma douce Elisabeth, vous me comblez d'une joie telle que je n'ai jamais éprouvée.

Il lui prit spontanément ses deux mains tremblantes dans la sienne qu'elle fixait, gênée. De son autre main il lui releva délicatement le menton afin de plonger dans ses si jolis yeux humides d'émotion. Elle pu voir alors dans son regard une expression de bonheur répandue dans tous ses traits, tempérant agréablement sa dignité.

Il pencha alors doucement son visage vers le sien et déposa ses lèvres sur celles frémissantes de sa promise. Ils échangèrent des baisers doux et chaleureux, emplis d'amour. Puis ils s'écartèrent, trop tôt à leur goût, tous deux émus et rougissants, conscients de la bienséance qu'ils avaient dépassée.

Ils étaient fiancés.

Et si... (Orgueil et Préjugés)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant