L'esprit gris - *TABOO*

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Il se laisse lourdement tomber dans un des deux fauteuils faisant face au canapé défraîchi où la blonde est assise, droite comme un i.

"J'ai fait mes paquets comme tu me l'as demandé... mais je ne savais pas... quoi en faire, baissant le ton en désignant le couloir du menton.

- Et tu n'as pensé qu'à ma maison... ? sceptique.

- Cette enfant est... comment dire...? Spéciale... faisant un sourire grimaçant et hochant la tête en s'avançant pour appuyer son sous-entendu.

- Je me doute aussi... mais en quoi exactement ? se penchant en avant à son tour pour inviter la femme à poursuivre ses confidences, plissant ses yeux luisants de curiosité.

- Tu l'as bien regardée ?!

- Oui... C'est juste un gamin... différent..." choisissant ses mots, mais haussant les épaules d'indifférence.

Helga se redresse, comme piquée par un insecte.

"Un gamin ?! Nan ! Biensûr que nan ! sourit elle de toutes ses dents dont l'une est recouverte d'une prothèse en métal lustré. Même si à y réfléchir, c'est vrai... pensant soudain tout haut, levant les yeux au ciel, en se tapotant le menton. C'est vrai que mes clients préférant plutôt les garçons me la demandent en tant que tel... Comme quoi, elle est vraiment spéciale..." élargissant son sourire étrange.

James se redresse à son tour, plissant les yeux, d'incompréhension cette fois.

"Tous mes clients en sont fous, si tu veux même savoir... en rajoute encore la blonde d'une voix mielleuse, avec un clin d'oeil complice, pas peu fière de sa possession.

- C'est qu'un môme, Helga ! Ca a l'âge de Winter, tout au plus ! dégoûté, tendant le bras vers le couloir à son tour.

- Tu rigoles ?! Elle a au moins dix huit ans, si c'est pas dix neuf ! Je ne la ferais pas travailler, dans la chambre des clients du moins, si elle avait l'âge de ma Winter... J'ai des principes, Monsieur ! passant ses mains sur son corsage comme pour l'épousseter. Mais c'est aussi pour ça que je n'veux pas la traîner derrière moi... Alors, je me suis dit que tu pourrais peut être l'héberger les fois où elle ne travaille pas pour moi... ou pour toi, par exemple...Le temps que ça se calme, quoi... J'veux pas la savoir dehors, on risquerait de me l'abîmer... Son père irlandais est mort pendant la mutinerie du bateau qui les amenait d'Afrique, tous deux à Londres... C'est ce qu'elle m'a raconté du moins...

- Et sa mère... ? tente encore James, toujours plus piqué de curiosité.

- Une négresse... A moitié blanche si j'ai bien compris... morte dans son pays... haussant les épaules d'indifférence. Je suis sûre que tu comprends... retroussant encore le bout de son nez en hochant la tête d'un air convenu.

- Je reconnais surtout là ta préoccupation constante du bien-être de tes filles... lâche-t-il ironique, posant sa cheville sur son genou en reculant son dos contre le dossier du grand fauteuil, dévoilant encore un peu ses jambes sous le regard clairement scrutateur de la femme face à lui.

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La maquerelle tourne la tête davantage pour se distraire du spectacle que pour accueillir d'un sourire les trois nouveaux venus qui entrent dans la pièce, chargés de plateau, et de pot à sucre.

Lorna pose le récipient sur la table basse, tandis qu'Helga tapote le siège près d'elle pour inviter l'enfant muette à s'asseoir à côté, alors que Brace pose le plateau chargé du service à thé à son tour. Il se recule, jetant un oeil interrogateur à son maître qui hoche la tête d'un air convenu. Puis il s'efface, allant se poser contre le manteau de la cheminée, gardant l'oreille attentive.