Chapitre 6

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Bea Miller ~ Like that

- Bonsoir, lance-je un peu hésitante.

Paul me regarde approcher en silence. A contre jour dans l'encadrement de la porte, je ne distingue pas ses traits. Je ne peux pas deviner son humeur. Une petite boule d'angoisse naît au creux de mon estomac.

Je n'ai rien fait de mal. J'essaie de me raisonner. Il n'a aucune raison d'être fâché. Je crois.

Plus j'avance, plus je sens l'intensité de son regard posé sur moi. Et lorsque je suis assez près de lui pour le voir, je remarque son front légèrement plissé et ses lèvres pincées. Il semble un peu contrarié alors sans un mot, je dépose un baiser fugace sur ses lèvres avant de me reculer. Je n'en avais pas vraiment envie. Il ne m'a pas manqué une seule seconde depuis son départ. Mais j'essaie de l'amadouer. Je ne veux pas risquer de déclencher une crise ce soir, pas après cette belle journée.

- Tu es passée à la maison ce soir avant de retrouver tes amis ?

Sa question me prend au dépourvu et je n'en comprends pas le sens.

- Euh... Non. Pourquoi ? Risque-je.

- Tu es allée travailler dans cette tenue ? Me répond-t-il en me regardant de haut en bas.

Je baisse les yeux à mon tour comme pour vérifier si ce que je porte est bien ce que je crois avoir mis ce matin : Converse blanches, slim brut, tee-shirt gris, cardigan noir. Je dois avoir l'air hébété. Cette discussion me semble totalement irréelle et hors de propos. Je ne vois pas pas du tout où il veut en venir. Mais il attend une réponse. Je formule un simple oui, ne sachant pas quoi ajouter d'autre.

Je l'entends grommeler quelque chose avant qu'il ne se détourne pour rentrer à l'intérieur de la villa. Je le suis et referme la porte derrière moi tandis qu'il enclenche l'alarme.

Après m'être déchaussée, je passe devant un Paul stoïque, fixant le boîtier électronique. Je me dirige lentement vers la cuisine et dépose précautionneusement mon sac sur l'un des tabourets, mon iPhone sur l'îlot. J'ai l'étrange sensation d'agir comme une proie essayant de ne pas attirer l'attention d'un prédateur.

Paul entre dans la pièce quelques secondes après, toujours silencieux. Je décide alors de me préparer une infusion pour garder une certaine contenance. Si j'étais un peu pompette en rentrant, je dois bien avouer que l'atmosphère étrange et pesante qui règne ici me fait totalement dessaouler.

- Tu as rappelé ta mère, me demande-t-il en faisant un geste en direction de mon portable.

- Non, je n'ai pas eu le temps et il est tard maintenant. Elle peut bien attendre demain je pense.

Paul secoue la tête, l'air reprobateur.

- Tu régresses Cristina.

- Pardon ?

Je ne comprends vraiment rien de rien à cet échange.

- Tu t'habilles comme une étudiante pour aller travailler, tu fais mariner ta mère et tu passes ton temps à me provoquer comme une gamine. Et puis j'ai trouvé ça aussi.

Il désigne du menton quelques croquis que j'avais laissés ce matin sur l'îlot, ne les ayant pas retenus pour le projet.

- C'est à ça que tu passes tes soirées maintenant ? Faire des gribouillages ?

La moutarde me monte au nez. Que quelqu'un me pince pour que je me réveille. J'ai l'impression d'être dans la quatrième dimension.

- Tu sais, j'ai accepté que tu reprennes un travail car je pensais que ça te ferait du bien mais à ce que je vois ça semble plus te perturber qu'autre chose. Il va falloir qu'on en rediscute je pense.

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