16. Le conseil des Commandants [Automne ]

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Ce matin, je ne suis pas réveillée par le bruit horrible de la barre en fer qui tape contre la tête de lit, mais par une main chaude qui se pose doucement sur mon épaule. J'ouvre les yeux et vois le visage de Maël au dessus du mien. Je n'ai toujours pas digérer le fait qu'il ai pris autant de temps à me rendre la photo, ni le fait qu'il doute de moi, d'ailleurs. Mais, au moins, il se comporte beaucoup mieux avec moi, depuis qu'il sait que je suis la petite soeur de Georges. Je ne dis pas que nous nous parlons, ce n'est toujours pas mon ami, c'est juste mon commandant grincheux qui ne se défoule plus sur moi.

Il me secoue un peu plus fort, pour vérifier que je sois bien réveillée. Ses yeux clairs brillent dans l'ombre. Je m'assieds, et regarde autour de moi : tout le monde dort, même Armand que le moindre petit bruit tire du sommeil.

" Qu'est-ce qu'il y a ? Marmonné-je.

- Enfile des habits propres et rejoins moi dans le couloir, m'ordonne-t-il."

Je hoche la tête, depuis mon écart lors de notre deuxième combat, la semaine dernière, je suis disciplinée. J'ai compris que si tout cela doit fonctionner, il faut que chacun joue son rôle et le mien et de protéger le drapeau. C'est ce qui nous a fait gagner, hier après-midi, contre l'armée 987. Je sors donc de mon lit, en faisant le moins de bruit possible, et enfile mon t-shirt et mon jean qui sont pliés sous mon oreiller. J'ai pris cette habitude afin de ne pas me retrouver avec les vêtements des garçons qu'ils laissent traîner un peu partout dans le dortoir.

Je passe mes doigts dans mes cheveux, afin de les coiffer un minimum et sort enfin de la pièce. Maël m'attend, il est adossé au mur derrière lui, et, ses habituelles mèches blonds ont été domptées.Il porte son habituel sweat noir, au dessus de son pantalon à bandes bordeaux de commandant. Dès qu'il me voit, il se redresse et pose un doigt sur ses lèvres, en signe de silence. Je pousse un soupire, tandis qu'il avance dans les couloirs blancs, je le suis, essayant de garder le rythme. Une fois que nous nous sommes assez éloigné du dortoire, je me décide à ouvrir la bouche.

" Où allons-nous, Commandant ? Demandé-je.

- Au conseil des Commandants, répond-il, simplement.

- Et pourquoi suis-je là ? Répliqué-je, surprise.

- Parce qu'il faut qu'on amène notre seconds, dit-il en haussant les épaules.

- Tu en as trois, remarqué-je, pourquoi moi ?

- Tu es la petite soeur de Georges, argumente-t-il, je respecte donc ton jugement.

- Si tu le dis, soufflé-je, et il y aura tous les commandants, avec tous les seconds ?

- Non, on est par groupe d'une centaine d'armées, et les bleus rassemblent les infos.

- Les bleus ?

- Les dirigeants de Thestias, se moque-t-il en prenant une voix suraiguë.

- Ils servent à quelque chose ? Rié-je.

- Oui, à nous empêcher de nous enfuir, réplique-il plus sérieusement. Bizarrement, personne n'a jamais vu de carte de Thestias, personne, sauf la Meute.

- C'est pour ça que tu veux y aller ?

- Pour être maître de la situation.

- Je comprends mieux, maintenant.

- On est arrivés, annonce-t-il."

Nous sommes devant une porte, semblable aux autres, si on fait abstraction du fait qu'elle est noire au lieu d'être blanche. Maël la pousse, sans aucune hésitation et nous entrons. La pièce est simple une grande table ronde se tient au centre, elle est entourée d'une centaine de chaises derrière lesquelles sont installées d'autres chaises, plus petites. Pour les seconds, deviné-je. Devant chaque place, se trouve une feuille de papier blanc, un crayon à papier, un petit appareil, avec un bouton rouge et un vert, et un petit drapeau, pour savoir où s'asseoir. 

Toutes les chaises sont quasiment prises par des gens habillés en toutes les couleurs, et, à un bout, se trouve trois messieurs en bleu. C'est donc eux, les fameux bleus.

Je suis donc Maël, qui se fraie un chemin à travers la foule, jusqu'au drapeau noir et bordeaux. Il s'assied, entre un gros garçon au joues bien rondes et aux cheveux gras et une petite fille d'une dizaine d'années avec un air sérieux et des lunettes rondes. Je m'installe derrière lui, en prenant bien garde à ne bousculer personne. 

Je garde les yeux fixés sur la nuque de mon commandant, afin de ne pas trop me faire remarquer en dévisageant tout le monde. Une sonnerie retentit alors, amenant avec elle un silence de mort, chaque personne présente dans la salle a le regard fixé sur les "bleus".

Ce sont trois vieillards, celui du milieu, qui semble être le plus âgé se lève, en prenant appuie sur la table et parcours l'assemblée du regard. Ses bras sont si maigres, qu'une pichenette pourrait les briser et son visage est creusé par les années qui ont défilées.

" Bonjour à vous, commandants et seconds des armées de novices de Thestias, commence-t-il, d'une voix tremblante. Aujourd'hui, nous allons évoquer une question de la plus haute importance : devons nous, ou pas, ajouter du plus de sérum de simulation dans les balles lors de combats ? Vous avez cinq minutes, tous les votes passés après ce temps ne compteront pas."

Il s'assied, tandis que je vois les commandants se jeter sur les étranges machines qui se trouvent devant eux, appuyant sur une des deux boutons, en se souciant, plus ou moins de leur second assis derrière eux. Maël se tourne vers moi, un sourire plaqué sur le visage et les cheveux totalement décoiffés. Je ne sais pas combien de fois il a passé sa main dedans, ces dix dernières minutes, mais ça ne rigole pas.

" Alors, plus ou pas ? M'interroge-t-il.

- Plus, affirmé-je.

- Ah bon ? S'étonne-t-il, tu es pour la violence ?

- Je suis pour que l'on prenne les balles au sérieux. Mais en vrai, c'est logique nan ? Si on fait un vrai combat, avec des vraies balles, mieux vaut connaître un minimum la douleur... argumenté-je.

- Mouais, d'façon, moi j'en ai rien à branler, dit-il en me passant l'objet métallique servant à voter.

- T'es sûr ?

- Appuie sur ce bouton, qu'on puisse retourner se coucher.

- Ok."

Je pose donc mon doigt sur le point vert et appuie, avant de rendre la machine à Cassien. Un frisson me traverse, lorsque nos doigts se frôlent. Il ne devrait pas me faire autant d'effet... Je profite que sa main soit proche de la mienne pour jeter un coup d'oeil à sa montre : trois heures et demi du matin. Ouch.

Au bout de cinq interminables minutes, nous pouvons -enfin- sortir de la pièce. Une véritable marée humaine se précipite par la petite porte, m'emportant avec elle. Mon regard se pose alors sur une tête blonde allant dans le sens inverse : Maël. Je joue donc des coudes à travers la foule pour le rattraper. Je sens alors une main agripper mon poignet, je me tourne pour me retrouver nez à nez avec le garçon grassouillet de tout à l'heure.

" Caro' ? Demande-t-il.

- Non, rétorqué-je, en me dégageant de son étreinte.

- Désolé, s'excuse-t-il avant de disparaître dans la foule."

Maël n'est plus qu'à quelques mètres, lorsque les gens le voient, il s'écartent sur son passage. C'est vrai qu'il est très "populaire", si je puis dire. Je le rejoins enfin, m'agrippant à la manche de son sweat et me laisse reconduire au dortoir, peinant à garder les yeux ouverts. Dès que j'aperçois la porte nommée : "1219", je me détache de lui, l'ouvre et me jette sur mon lit afin de retourner à mes rêves. 

***

Voilà pour ce chapitre : ) 

J'espère qu'il vous a plu ; ) 

<3

THESTIASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant