Eden : Mort d'une fée

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J'ouvris les yeux en sursaut. Un cri strident venait de se faire entendre et il m'était beaucoup trop familier pour que je reste calme. Dehors, la lune brillait, et éclairait les jardins du château de la VilleMère de sa douce lueur apaisante. A en voir son positionnement cela ne faisait que deux heures à peine que j'avais été autorisé à rejoindre mon baraquement pour me reposer. Un baraquement dans lequel je logeais depuis quelques mois déjà, depuis le premier raid que j'avais réalisé avec succès, mes supérieurs avaient jugé qu'il était possible que je jouisse d'un peu plus de liberté au sein de mon unité de Chevaliers.

Je crus d'abord que le cri que j'avais entendu provenait d'un mauvais rêve alors je songeai à me rendormir. Je venais de fermer les yeux quand il se réitéra. Les mains moites et le dos trempé de sueur je bondis de mon lit, enfilai un pantalon dont je nouais le cordon et sortis dans le couloir en faisant grincer les planches de bois le moins possible. Mon cerveau commençait à s'imaginer toutes sortes de choses quant à la provenance de ce cri, de plus je savais qu'il arrivait parfois que les Chevaliers gardent des créatures des forêts en vie pour se divertir, et par divertissement j'entendais bien sûr torture. Cependant n'ayant jamais montré d'intérêt pour cette pratique, j'ignorais l'emplacement du lieu où ils s'y adonnaient et je doute qu'ils m'auraient laissé partager leur amusement. Je prenais des risques, si on me surprenait, moi, un demi-homme fée, dehors après l'heure du couvre-feu, je pourrais être accusé de trahison et ma tête finirait assurément au bout d'une pique après avoir été souillée de toutes les manières que les humains pouvaient imaginer.

Je ne pouvais, néanmoins, pas retourner me coucher après les effroyables cris que j'avais entendus, car ils étaient incontestablement féminins, hors Les Chevaliers de L'Espoir ne recrutent pas de demi-femmes fées donc cette personne n'était pas torturée, pour les mêmes raisons que moi. De plus la chevalerie était un milieu d'hommes ou tout du moins d'individus masculins, il était impossible s'il s'agissait d'une demi-fée qu'elle puisse jouir du même privilège que moi, à savoir, la vie sauve. Ce fut les raisons pour lesquels je me devais de découvrir pourquoi ils infligeaient de telles souffrances à une femme, si ce n'était pas pour tenter de la briser comme ils avaient tenté de briser mon âme, avant de me proposer leur marché.

Hormis les deux cris que j'avais entendus, le calme régnait désormais dans le château, au moins je ne risquais pas de me faire prendre, je savais que quelques chevaliers devaient arpenter le chemin de ronde mais aucuns n'étaient de garde dans la forteresse en elle-même, je pouvais me déplacer plus ou moins à ma guise.

Un nouveau cri d'atroce douleur se fit entendre quand j'entrai dans le hall désert du château, éclairé par quelques torches qui terminaient de se consumer, accrochées çà et là aux murs de pierres, c'était là où il y avait le plus de chance que je croise un chevalier, mais il n'y avait pas âme qui vive. Mon cœur se serra j'avais appris que les humains étaient cruels et sans cœur envers les peuples des forêts, mais le point de non-retour qu'ils venaient de franchir me révolta encore plus, il ne manquerait plus que la femme qu'ils étaient en train de faire souffrir soit une humaine qui eut osé repousser les avances d'un des Chevaliers. Rien ne témoignait qu'une telle monstruosité ait déjà eut lieu mais je m'attendais vraiment à tout, de la part des humains.

Ainsi je descendis directement dans les cryptes du château, le dernier cri m'avait paru plus proche. Je me devais de marcher en contrôlant les battements de mon cœur. Celui-ci battait à tout rompre, l'angoisse de ce que ces cris trop familiers allaient me faire découvrir, pour cause ; je sais que je n'aurais jamais dû entendre tout cela, à l'heure qu'il est je devrais dormir, aussi paisiblement que possible dans le lit insalubre que l'on m'avait désigné. Cependant j'étais dans l'incapacité de faire comme si de rien n'était, je m'inquiétais beaucoup trop pour cette personne ; en acceptant le marché des Chevaliers, je m'étais juré de tout faire pour changer le monde de l'intérieur ; et sauver cette femme en infligeant une bonne raclée à ses tortionnaires me permettrait sûrement une petite avancée dans ma gigantesque mission.

Les Chroniques d'HostoclassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant