Chapitre 1

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Charlote Grine é groce. Tout le monde le sait. C'est écrit sur la porte des toilettes du lycée. Ce n'est pas elle qui l'a écrit. Elle aurait fait un effort d'orthographe au moins. Elle sait qu'elle est grosse mais ne comprend pas pourquoi tout le monde semble vouloir le lui rappeler en permanence. Comme si cela ne lui suffisait pas se voir dans le miroir tout les matins. Comme si ses jeans XXXL n'étaient pas assez explicites.

L'être humain peut être cruel envers ses semblables. Les lycéens en particulier et ceux du lycée de Charlotte encore plus. Elle pensait que ça allait s'arrêter en sortant du collège. Que la maturité aurait gagné du terrain. Elle subissait moins d'insultes, c'est sur, mais un bon paquet des débiles de son collège étaient dans le même lycée et n'avaient pas entendu parler de l'intelligence. Elle ne comprend pas, n'a jamais compris et ne comprendra jamais pourquoi le monde est si impitoyable. Pourquoi certaines personnes méritent plus que d'autres de se faire cracher dessus. Pourquoi être intelligent est une insulte est être bête une qualité.

Charlotte est grosse mais Charlotte va bien. Elle ne va pas incroyablement bien, c'est sur, mais la plupart du temps, elle n'a pas l'impression d'aller mal. Elle a appris à se forger une carapace et à se mentir. Et puis elle a des amies pour la soutenir. Charlotte ne se trouve pas moche, ce sont ses camarades qui la salissent de leurs remarques. Oui, Charlotte se sent sale. Salie par ces mots. « Grosse », « obèse », « cochonne », « truie » et « salope ». Elle a beau frotter sous la douche, la crasse ne part pas. Elle l'accompagne, partout. Et ne la lâche pas.

« Charlotte tu es dégueulasse

   Ce gras qui pend, c'est salasse

   Les gros comme toi il faut les cacher

Tu fais mal aux yeux de l'humanité. »

Charlotte observe le mot qu'elle a reçu aujourd'hui. Anonyme. Ils le sont tous. Anonyme mais inventif. Ce n'est pas souvent que les gens prennent le temps d'écrire des poèmes. C'est drôle comme tout le monde se vante d'être gentil mais personne d'être méchant. En fait, personne n'assume. Pourtant, Charlotte se fait souvent insulter dans les couloirs et là, l'anonymat ne tient plus.

La journée a commencé normalement. Alors qu'elle s'approchait de son casier pour découvrir le post-it du jour, Charlotte reçut deux ou trois insultes. Normal, elle a l'habitude. Ses amies, Maureen et Léa, étaient déjà là. Elles jugeaient les rimes et mettaient une note (6/10 si ça vous intéresse). Encore une habitude.

Dire que tout le monde l'insulte serait une légère exagération. Il existe des gens bien dans le monde. Or, il se trouve qu'il y a aussi d'autre gens. Des gens méchants, hypocrites. Charlotte a l'impression de croiser ceux-là beaucoup plus souvent. Comme si elle les aimantait. Charlotte se sent comme un aimant à mauvaises personnes.

Son premier cours, physiques, est passé lentement. Comme la plupart des cours d'ailleurs. Il n'y a que celui de Français qu'elle apprécie. Et peut-être celui d'Anglais, de temps en temps. Entre deux cours, Charlotte, Maureen et Léa discutent. Enfin, ses amies discutent et Charlotte écoute.

« Il y a un nouveau prof de Sport, il paraît qu'il est hyper mignon, disait Maureen ce matin-là, c'est Nora la grande de première A qui me l'a raconté ».

« J'espère qu'on va l'avoir alors ! Tu connais son nom ? » Avait alors renchérit Léa.

« Non elle me l'a pas dit. Et je ne lui ai pas demandé, je n'y ai pas pensé. »

« Tu aurais dû ! Comment je fais pour savoir comment m'habiller le premier cours de sport ? Je ne m'habille pas pareil si c'est un vieux pervers que si c'est un jeune mignon ! »

« Et si c'est un jeune pervers ? »

« Mais quelle répartie. Et toi Charlotte tu en penses quoi ? »

« Hmm » avait alors répondu l'intéressée.

« Laisse Léa. De toute façon, on sait toutes les deux que Charlotte préfère le vrai chocolat que celui des 6-packs »

Charlotte connaissait Maureen depuis le CP. Elle avait l'habitude de ses  remarques et savait qu'elles n'étaient pas méchantes. Loin de là. Assises à côté dans la classe de Mlle Chianchau, elles sont devenues meilleures amies. Passant leur temps l'une chez l'autre. Elles ont grandi. Charlotte pensait qu'elle allait se retrouver seule. Elle avait tort. Maureen l'a toujours accompagnée dans ses moments les plus difficiles. C'était son port d'attache, ce qui empêchait Charlotte de couler, de se noyer. Elle l'est toujours. Maureen n'a pas peur des autres. Elle les insulte, se bat et se fait insulter en retour. Rien ne semble pourtant l'atteindre, tout coule sur elle, sans s'attacher.

« Haha, tu as presque le niveau de notre poète du matin. Encore un peu d'entraînement et tu peux le dépasser »

« 1-0 pour Charlotte ! Maureen va-t-elle se laisser abattre ? »

En sixième, Maureen et Charlotte ont rencontré Léa. A l'époque, elles avaient crée un club. « Les amies sans frontières ». Le but étant de rencontrer toutes personnes malheureuses afin de saupoudrer un peu de bonheur dans leurs vies. Fin Janvier, cette personne était Léa. Leur nouvelle « cible» venait de perdre sa mère. Léa est la plus gentille et la plus douce du groupe. Elle aime servir la bonne cause. Elle est vegan et reverse de l'argent au WWF et à l'UNICEF une fois par mois. Vers le milieu de Février cette année là,  le club accueillait un nouveau membre.

A trois, Charlotte, Maureen et Léa refaisaient le monde. On peut dire qu'elles en ont sauvées des âmes perdues ! Aujourd'hui, le club n'existe plus mais elles sont toujours prêtes à aider les autres, tout simplement.

« Bon ok elle a gagné. Je me rend ».

« Victoire par K-O de Charlotte Green contre Maureen Lefrère ! Nous allons à présent interviewer la championne. Charlotte ? »

Charlotte n'avait pas répondu. Elle pensait à son père, et à ce weekend qu'ils avaient prévu.

« Vous êtes bien sur le répondeur de Charlotte Green. Veuillez laisser un message après le signal sonore. Une fois l'enregistrement terminé, vous pouvez raccrocher. Bip ! » avait ironisé Maureen.

Avec ses amies, Charlotte se sentait heureuse. Enfin ce qui se rapprochait le plus d'être heureuse. Quand elle y pense, Charlotte se rend compte qu'elle ne s'est jamais vraiment sentie heureuse. Elle n'a jamais nagé dans le bonheur. Elle avait plus l'impression de couler dans le bonheur. De se noyer. Si il faut savoir nager pour être heureux, alors elle n'a jamais appris.

Love, CharlotteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant