Love, Charlotte

Chapitre 6

Lorsque Charlotte ouvrit les yeux le lundi après-midi, la blancheur des murs de la chambre et la luminosité accrue lui firent un effet coup de poing. Elle venait de passer plus de dix heures dans le noir et ce brusque retour à la lumière était un peu trop précipité. Aussi, elle referma les yeux immédiatement.

"Alors! Elle a bougé!". Une voix inconnue et trop forte pour être appréciable la fit grimacer. Une erreur puisque la voix se fit de nouveau entendre.

"Alors, Charlotte? Mademoiselle Green? Etes-vous réveillée?" 

Charlotte décida alors d'ouvrir les yeux une bonne fois pour toute. Elle regretta vite son geste quand elle vit le visage d'un homme penché au-dessus d'elle. Il semblait fatigué, des cernes profondes se creusaient sous ses yeux. Une barbe naissante et grisée parsemait son menton. Ses yeux étaient cachés par de lourds verres opaques. 

"Alors, prenez le temps de bien vous réveiller puis nous passerons au check-up" dit l'homme. Puis il sortit, sa voix s'évaporant dans le couloir.

Charlotte se hissa sur son coude, ce qui eut pour effet de la rendre nauséeuse. Elle s'éleva néanmoins de quelques centimètres et put observer le lieu dans lequel elle se trouvait. Il était évident qu'elle était dans une chambre d'hôpital. 

Une large fenêtre se trouvait encastrée dans le mur à la droite du lit de la jeune fille, donnant vue sur une cour protégée par un tapis de feuilles mortes. A sa gauche, plusieurs machines dont elle ne connaissait ni le nom ni l'utilité ainsi qu'une petite table sur roulettes faisant office de table de nuit. Le mur qui lui faisait face semblait blanc au premier abord mais laissait apparaitre des trace douteuses quand on le détaillait. Charlotte se détourna vivement, ce qui ne fit qu'accroitre son impression de nausée.

Elle se rallongea. L'homme revint pile à ce moment-là.

"Alors bonjour Charlotte, je suis le Docteur Van Santino et c'est moi qui vais te suivre pendant ta convalescence qui, je l'espère sera courte."

Le docteur fit une pause afin de replacer les lourdes lunettes qui lui glissaient sur le nez. Charlotte n'avait qu'une envie, se rendormir et ne jamais se réveiller. Et surtout, être loin de cette chambre trop lumineuse et de ce monsieur à la voix trop grave qui commençait ses phrases par "alors".

"Alors nous allons procéder au check-up. Je vais te poser quelques questions ainsi que te peser, te mesurer, enfin faire tout ce que l'on fait lors d'une visite routine chez le médecin."

Van Santino toussota et recommença.

"Alors, comment te sens-tu?"

La jeune fille voulu répondre mais sa voix ne parvint à traverser ses lèvres. Elle se racla la gorge plusieurs fois et le médecin lui proposa un verre d'eau, qu'elle but avidement. Enfin, elle réussit à répondre. 

"Ça va..." ne sachant pas si elle devait parler de ses nausées, elle n'en dit pas plus.

"Alors ça va. Tu n'as pas mal nul part? A ton bras par exemple?" poursuivi l'homme en blanc.

Charlotte regarda son bras pour la première fois depuis son réveil. Son bras gauche était bandé du poignet jusqu'au coude d'une bande blanche et rugueuse. 

Elle l'avait fait. Elle l'avait vraiment fait. 

A partir de cet instant, le "check-up" se passa dans un brouillard. Charlotte répondit mécaniquement aux questions que lui posait Van Santino, suivit les instruction du médecin pendant la "visite routine" et n'écouta absolument pas ses conseils.

Une inondation venait de faire court-circuiter son cerveau. Elle n'était plus là. Son enveloppe charnelle si, mais elle non. Un tourbillon de pensée l'avais projetée loin de cette salle, loin de cet homme. Elle ne cessa de fixer son bras, symbole de son acte. Signature d'un artiste, présente à jamais. Toujours, son bras lui rappèlerait son acte, sa tristesse. Elle était marquée au fer rouge.