La réunion

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Le lendemain fut le troisième jour qui clôturait le délai accordé par C. DeVil.

Mes croquis étaient déjà prêts pour la plupart. J'avais veillé à bien tout présenter sur mon pupitre ainsi que mon présentoir, lorsque le patron passerait les voir et donner son verdict si cela ferait partie de son prochain projet en défilé. Et comme je m'étais dite que j'avais fait assez de tenues à proposer, je me remis alors tout simplement à continuer mon croquis en taches de dalmatien.

C'était mon petit plaisir du matin, un croquis sans prise de tête rien que pour moi, pour ma famille et pour ma chienne donneuse d'inspiration. Un croquis qui n'était certainement pas destiné à apparaître entre les mains de mon supérieur, du moins.

Big Ben ne me faisait plus peur, ce jour-là. Il pouvait faire sonner les coups de ses heures afin de faire frissonner mes collègues stylistes autant qu'il voulait, moi je restais sereine, comme un intello à l'école ayant fini en avance son contrôle et tuant le temps avec un coloriage. (Malgré que la technique et la précision dans mes coups de crayons demeuraient tout de même moins relaxants, et incomparables à un simple gribouillis de primaire que l'on offrait à sa maîtresse lorsqu'on ne savait plus quoi en faire au final.)

Aux douze coups de midi, j'étais tellement absorbée par le perfectionnement de mes deux croquis à imprimé moucheté, que ce dut être Miranda qui me fit revenir sur terre, pour m'inciter à grignoter au moins un petit quelque chose pour le déjeuner. Mon ventre avait alors répondu à ma place ! Tout heureuse d'avoir enfin achevé ma tâche, j'avais donc laissé en plan mes dessins pour rejoindre mes collègues.

Tout en mangeant, le stress de tout le monde m'avait paru redescendre. Nous nous étions remis à parler et à rire comme avant. Ces trois jours infernaux étaient enfin terminés ! Je pouvais enfin respirer et eux aussi. Nous pouvions enfin nous relaxer tranquillement en savourant notre léger repas.

Dès qu'ils finirent de manger, les stylistes s'empressèrent de repartir à l'étage. Miranda et moi-même étions les seules à rester encore un peu, à traîner dans les couloirs, à parler, digérer et admirer la ville par les fenêtres depuis notre hauteur importante.

Nous n'étions pas pour autant restées si longtemps que ça. Pas plus de cinq minutes, c'était certain. Alors, tandis que Miranda partait se débarrasser de son mégot de cigarette, je repartis à l'étage des stylistes... Mais une fois que j'arrivai à mon petit espace de travail, je me figeai instantanément.

Mes croquis... Mes croquis avaient disparu !

Je remuai ciel et terre dans toute la pièce à la recherche de mes précieux dessins, mais je n'en trouvai aucune trace. C'était impossible... ils n'auraient pas pu s'envoler, car aucune des fenêtres murales ne pouvaient s'ouvrir, et j'avais beaucoup trop confiance en mes collègues pour les soupçonner de jalouser ce que je crayonnais.

Les larmes sur le point de me monter aux yeux, je vis alors entrer mon chef, comme mon tout dernier espoir. Mais alors que je m'apprêtais à lui foncer dessus toute angoissée, je vis que cela n'était aucunement nécessaire, car il était lui-même venu jusqu'à moi, sans que je ne l'interpelle ou fasse quoi que ce soit.

« Monsieur, on m'a dérobé mes croquis alors que je prenais ma pause déjeuner ! » voulus-je lui crier. Mais il me coupa alors net la parole, indifférent à mes yeux larmoyants.

« Vous êtes priée de me suivre, mademoiselle Dearly. On tient à vous recevoir... Encore. »

Et il repartit aussi sereinement qu'il était arrivé, moi derrière à rester bouche entrouverte, regardant sa silhouette de dos longer le podium dans l'autre sens. Et je doutais fort qu'il allât me conduire à une personne s'étant déjà occupée de mon problème !

101 Shades of DeVil (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant