La seconde convocation

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Lorsque je pénétrai dans le bureau de mon redoutable patron, mes chevilles vacillaient tant que j'en manquai de trébucher et me vautrer sur la moquette dans l'encadrement de la porte.

J'étais totalement déstabilisée et stressée. Ma ceinture me serrait trop, ce pourquoi, au lieu de me faire du mal pour une énième fois encore, je me résolus à me débarrasser de mon trench, le pliant et le tenant sur mon avant-bras comme un serveur tiendrait sa serviette.

Tandis que je tentais de rester calme tout en avançant vers lui, C. DeVil était assis à son bureau, une fourrure de lion sur son épaule posée en bandoulière dans son dos, occupé et perdu dans ses pensées à tripoter quelque chose entre ses doigts – qui, pour une fois, n'était pas une cigarette.

Lorsque je fus assez proche pour déduire qu'il s'agissait d'une bague en or incrustée d'une splendide émeraude, il me remarqua, puis se redressa un peu, enfilant au passage le bijou sur son majeure pour ne plus avoir à y toucher. Un petit silence s'installa alors, et en seulement quelques secondes tout devint très vite calme dans la vaste pièce, ce qui tranchait parfaitement avec la panique qui m'envahissait de l'intérieur, rythmée par mon cœur qui tambourinait dans ma poitrine.

« J'aime beaucoup votre bague. » je tentai nerveusement en serrant mon manteau contre moi, afin d'alléger le lourd regard qu'il semblait déjà porter sur moi.

DeVil me regarda, puis jeta un long coup d'œil au petit objet en question, passant sa main dessus pour en caresser la pierre précieuse. Puis il repointa son nez en ma direction, se reculant doucement de son bureau en inspirant par le nez un bon bol d'air frais, qui n'était pour une fois pas intoxiqué de tabac.

« Vous voilà enfin. » fit-il de sa voix perçante et autoritaire, qui m'avait tant manquée au passage.

Il n'avait pas changé d'un poil, si ce n'était la nouvelle peau de bête dont il était orné. Une peau du roi des animaux pour un roi de la mode britannique.

Doucement, il s'était levé de son fauteuil, et s'était mis à faire le tour de son bureau pour se rapprocher des grandes vitres s'étalant sur tout un mur, qui offraient une vue spectaculaire, la meilleure de toute l'entreprise.

Ses pas résonnaient dans le silence et marquaient l'accélération des battements de mon cœur. Pour ma part, je n'avais pas bougé, mes pieds comme ancrés dans le sol, de peur de repartir d'ici aussi vite que j'étais entrée.

Sa silhouette parfaitement dessinée me faisait donc dos, et heureusement d'ailleurs, car je crois que mon angoisse n'aurait pas plus tenu s'il m'avait fait face ; malgré que le voir devant moi à l'autre bout de la pièce ne m'aidât pas pour autant à me détendre.

« Avez-vous une idée de la raison pour laquelle je vous ai demandée aujourd'hui ? » reprit-il soudain, laissant l'écho de sa voix résonner dans le silence.

Je tressaillis en humidifiant mes lèvres, mais même ma langue paraissait sèche. Je pouvais l'imaginer de son côté se délecter de ma respiration saccadée, à l'idée de m'entendre supposer mon départ imprévu de sa maison de couture, telle une idiote honteuse de la réponse évidente à cette fausse question.

Je tentais de me ressaisir en m'éclaircissant timidement la voix :

« J'ai entendu dire... que vous aviez songé... à me bannir... définitivement... de la House of DeVil ? »

Mes derniers mots n'étaient à présent plus qu'un faible murmure, tant j'étais gênée de prononcer ces paroles.

Monsieur DeVil avait marqué une pause dans son action, qui était d'admirer la ville depuis les fenêtres murales, puis se retourna lentement pour me toiser silencieusement en réajustant sa cravate, avant de passer aux boutons de ses manches de chemise.

101 Shades of DeVil (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant